CECI n'est pas EXECUTE 31 octobre 1882

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31 octobre 1882

Camille Doucet à Alfred de Falloux

Paris, le 31 octobre 1882

Monsieur le comte cher et honoré confrère,

Je sors de prison ! Entendons-nous, s’il vous plaît, je sors du conservatoire où, depuis hier matin j’ai entendu 177 élèves hommes et femmes pour les classes de déclamation. Si bien que je n’ai pu faute d’une minute de liberté, répondre aussi vite que je l’eusse voulu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire.

J’avais appris par la renommée qui ne vous lâche pas, que vous alliez vous fixer à Angers.

Pourquoi pas à Paris, l’académie en eut profité et tous vos amis s’en fussent réjouis. On dit qu’il n’y a que le premier pas qui coûte. J’espère que le second vous rapprochera de nous tout à fait et cependant peut-on vraiment vous souhaiter de venir habiter cette fournaise, quand son incendie menace de tout détruire. nous habitons torre del greco, le Vésuve est sur nos têtes, Herculanum est sous vos pieds, Salva nos domine Perimus !

Si nous sommes encore de ce monde le jeudi 7 décembre, nous remplacerons avec vous, et comme vous, nos deux confrères, partis pour un autre séjour qui n’a pas de peine à valoir mieux que celui-ci.

Aucun candidat nouveau ne s’est présenté, et j’ai annoncé dernièrement à l’académie officiellement que MM de Mazade1 et Pailleron2 qui avaient lutté tous deux au mois de juin pour le premier fauteuil, se mettaient à la disposition de la compagnie et, à cet effet se portaient l’un et l’autre indistinctement sur le second et sur le premier.

Voilà, Monsieur le comte, à quel point nous en sommes. Le résultat ne peut être douteux pour personne. En attendant travaillez pour nous tranquillement dans votre rue des Jacobins3. Non le jour de l’élection ne sera pas retardé. J’avais même demandé qu’on le fixe au 23 novembre ce qu’on eut fait si votre lettre me fut arrivée plus tôt. On aurait pas voulu vous trop exposer aux rhumes et aux bronchites que nous gardons pour nous.

Très respectueux dévouement.

Camille Doucet

1Mazade, Charles Louis Jean Robert de (1820-1893), historien et journaliste. Il était, depuis plusieurs années, le rédacteur politique de la Revue des Deux Mondes. On lui doit de nombreux ouvrages notamment L’Espagne moderne (1855), Lamartine, sa vie littéraire et politique (1872), L'opposition royaliste : Berryer, de Villèle, de Falloux (1894).

Candidat au fauteuil de Jules Dufaure, Charles Mazade sera largement devancé par Victor Cherbuliez, élu avec 17 voix. Il sera néanmoins élu le 7 décembre au fauteuil de Franz de Champagny.

2Pailleron Edouard (1834-1899), poète et auteur de comédies. Journaliste, il collaborait notamment à La Revue des deux-mondes. Il avait été élu à l’Académie française en 1882. Son discours de réception fut prononcé le 17 janvier 1884.

3Domicile de Falloux à Angers où il séjournera fréquemment après la mort de son épouse.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «31 octobre 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1882,mis à jour le : 15/05/2021