CECI n'est pas EXECUTE 14 novembre 1878

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14 novembre 1878

Godefroy Demaret à Alfred de Falloux

Verviers1, le 14 novembre 1878

Monsieur le comte,

J’ai lu avec ravissement la belle lettre que vous venez de publier dans le Correspondant et que notre Journal de Bruxelles a reproduite ; j’éprouve le besoin de vous remercier pour les accents que vous avez fait entendre non seulement à la France catholique mais aussi aux pays étrangers où se débattent comme chez vous des grandes questions de la réconciliation de la société moderne avec les institutions chrétiennes.

Vous avez eu raison, Monsieur le comte, de vous écrire « liberar assi mem meum » ; vous avez accompli un devoir et en même temps vous avez rendu service. Partout des voies reconnaissantes se lèvent pour applaudir un courage civique trop rare aujourd’hui quoique chez vous il soit au niveau habituel de votre cœur.

Ici aussi en Belgique, sous l’empire de notre belle constitution il y a toute une école catholique qui vit dans le monde d’équivoque que vous avez signalé et sur lequel nos adversaires vont chercher des armes pour nous combattre ; ils se servent de ces récriminations – partout les mêmes – pour nous rendre odieux et pour nous représenter comme les ennemis de nos institutions. Nos hommes politiques défendent nos institutions et s’en proclament les soutiens : grâce au charlatanisme politique de quelques journalistes, ils passent pour des habiles, des «politiques», en résumé pour des menteurs et des trompeurs. Qu’arrive-t-il ? Le bon sens public les abandonne ! C’est ainsi que nos récents échecs s’expliquent.

Ceux-la qui perdraient Dieu lui-même s’il pouvait être perdu, comme le disait notre illustre de Montalembert, sont en train de ruiner ici la fortune du catholicisme gouvernemental. Ils ont institué le terrorisme de la presse et s’en servent pour étoffer le cri de ceux qui professent les doctrines libérales et qui pratiquent l’attachement sans arrière-pensée à un ordre de choses définitivement établi.

Nous aussi, Monsieur le comte, nous avions besoin d’entendre votre voix. M. de Montalembert nous a apporté à Malines2 l’immense bienfait de ces grands enseignements – qui nous sauveront si le progrès n’est pas un vain mot. J’ai pris la liberté de vous écrire pour vous exprimer ma reconnaissance. Le courage est contagieux. Le vôtre nous sera utile.

Quelques-uns de nos amis ici se sentent accablés ; leurs convictions sont devenues incertaines. Ils doivent se relever et vous ne contribuez pas peu, dans le cadre d’opinions où nous vivons, à leur montrer le passage lumineux qu’il faut traverser pour aller au but.

Permettez à un étranger la liberté qu’il prend de s’adresser à un chef vénérable. Je ne sais si vous prendrez attention à quelques mots sortis d’une âme que vos doctrines font vibrer à l’unisson de la vôtre mais c’était un besoin pour moi de vous dire mes sentiments. Peut-être trouvez-vous quelques satisfactions à écouter l’écho de vos paroles et à vous convaincre que tout un monde est derrière vous.

Recevez, Monsieur le comte, l’expression de mon propre respect.

Godefroy Demaret, avocat membre du conseil provincial de Liège.

1Ville francophone de Belgique.

2Le 18 août 1863 Montalembert avait prononcés un discours important au Congrés catholique de Malines, en Belgique.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 novembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], 1878, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 19/05/2021