Année 1849 |
6 mars 1849
Pierre de Dreux-Brézé à Alfred de Falloux
Brézé1, le 6 mars 1849
Je viens de recevoir, Monsieur, aujourd’hui seulement la lettre officielle qui transforme une vie dont vous avez cru devoir disposer à mon insu d’une manière si bienveillante mais au grand effroi de ma conscience et par mille motifs au grand sacrifice de mes plus intimes sentiments. Le retard cependant peut seul expliquer et vous fera excuser, je l’espère, celui que j’ai mis à vous remercier moins de ce que vous avez fait, qui de l’opinion bien honorable pour moi qui vous a porté à la faire. J’ai compris tout l’appui que la spontanéité d’un pareil suffrage pourrait prêter à mon ministère. Cette pensée a suspendu un refus auquel tous mes instincts s’étaient d’abord déterminés, et que m’ont interdit d’amicales instances, spontanées aussi, dont l’une même a eu le droit de présenter à ma conscience la valeur d’un ordre devant lequel il ne lui est resté d’autre parti qu’une filiale soumission.
L’œuvre dernière de votre administration s’accomplira donc : mais priez Dieu encore que l’élu de votre choix mérite dans la sphère où vous le jetez une estime pareille aux souvenirs que vous laissez dans celle dont vous sortez. Mes vœux les plus sincères, les plus ardents vous accompagneront pendant un repos providentiellement destiné à ménager vos forces pour la lutte du triomphe au jour de la miséricorde. Quelque sombre que soit l’horizon, il m’est impossible de ne pas avoir confiance en l’avenir quand j’y vois briller encore de telles étoiles de salut.
Recevez je vous prie Monsieur avec amitié l’expression de mes plus dévoués sentiments.
Votre très humble et très obéissant serviteur
Pierre de Dreux Brézé2
1Château de Brézé, à Brézé, commune du Maine-et-Loire.
2Dreux-Brézé, Pierre Simon Louis Marie de (1811-1893), prélat français, évêque de Moulins de 1849 à sa mort.
