CECI n'est pas EXECUTE 24 janvier 1862

Année 1862 |

24 janvier 1862

Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury à Alfred de Falloux

Paris, le 24 janvier 1862

Monsieur le comte,

il y a quelques semaines déjà que, revenant à Paris, j’ai trouvé chez moi deux volume des Lettres de Madame de Swetchine1 que vous avez récemment publiées. Comme je reçois personnellement, en ma qualité de critique2, un nombre assez considérable d’ouvrages qui me viennent des auteurs, des libraires ou des bureaux du Journal des débats, j’ai cherché à savoir, sans le découvrir d’abord, quelle main obligeante avait fait porter chez moi les deux précieux volumes. Je pouvais soupçonner sans doute que votre bienveillance, déjà éprouvée, n’y avait pas été étrangère ; mais plus je me sentais flatté par un tel souvenir, moins je croyais pouvoir m’en donner à vos yeux le mérite sans en avoir la certitude.

Je me suis présenté plusieurs fois à votre domicile de Paris, persuadé que quelques mots de votre bouche dissiperaient tous mes doutes, et que ma gratitude ne perdrait rien devant vous au silence que ma discrétion avait cru devoir garder. Aujourd’hui, Monsieur le comte, une information tout à fait précise ne me permet plus de douter que je ne doive à votre gracieuse désignation l’envoi des deux volumes. Je puis donc, sans présomption comme sans incertitude, vous remercier d’un témoignage qui est parmi ceux dont je me semble le plus flatté.

J’avais lu votre remarquable écrit sur La vie de Madame Swetchine. C’est vous dire que j’étais bien préparé à lire sa correspondance. Ses Lettres sont en tout digne de sa Vie, tel que vous l’avez peinte. Elles sont comme une lumière qui éclaire un beau portrait.

Ceux qui ont aimé ou qui ont servi le régime de 1830, ne peuvent accepter, sans réserve, toutes les opinions de MmeSwetchine sur les hommes et les évènements de cette époque. Personne ne contestera leur sincérité. Et puis, si l’illustre étrangères n’aime pas tout ce qui se fait en France pendant les dix huit ans, elle aimait tant la France elle-même qu’à la distance où nous sommes de cette période de notre histoire, il semble que c’est une compatriote, qui nous juge, sans prévention comme sans flatterie, et en mêlant à la célérité de ses jugements, l’austère douceur de son indulgence.

Permettez-moi d’espérer, Monsieur le comte, que je pourrais bientôt vous porter en personne l’expression de la gratitude dont je vous prie d’agréer ici l’assurance, avec tous mes hommages de haute et sincère considération.

Cuvillier-Fleury

 

1Falloux, Lettres de Madame Swetchine, Paris, Didier, 1862.

2Cuvillier-Fleury est alors critique au Journal des débats.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «24 janvier 1862», correspondance-falloux [En ligne], Année 1862, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire,mis à jour le : 27/05/2021