CECI n'est pas EXECUTE 21 décembre 1864

Année 1864 |

21 décembre 1864

Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury à Alfred de Falloux

Paris, Passy le 21 décembre 1864

Monsieur le comte, j’avais déjà suivi avec vous l’Itinéraire de Turin à Rome1; car je n’avais laissé échapper sans les lire aucun des écrits que vous aviez publiés sur cette question, qui avance, comme les pèlerins de la Mecque, avec une trompeuse lenteur, et qui vous trahit volontiers, comme vous le dites si bien, « dans un baiser ». Le ministre actuel des Affaires étrangères est coutumier de ce genre de caresses et je me suis laissé dire par son pas prédécesseur que le projet de convention dont le refus, en haut lieu, avait entraîné sa démission il y a deux ans, était beaucoup moins dur dans ses termes, dans ses prévisions et dans ses réserves que celui dont M. Drouyn de Lhuys2 a si douloureusement emmiellé le commentaire, en laissant le calice au fond. J’ai donc lu, Monsieur, chaque fois que j’ai eu la fortune de les rencontrer, et j’ai relu récemment grâce à vous, ces excellents écrits d’une touche si vigoureuse et d’un accent si vrai. Le président Dupin3 disait un jour, pendant que vous parliez, à vos interrupteurs de l’opposition : « Sachez respecter au moins le talent de l’orateur ! » Moi qui vous lis, Monsieur, sans m’interrompre jamais, j’aime à m’abandonner à ce genre de respect sympathique qu’inspire une conviction sincère, servie par une éloquence naturelle. Permettez-moi d’y joindre aussi l’expression de la reconnaissance que je dois à votre souvenir si flatteur, avec l’habituel hommage de ma haute considération.

Cuvillier-Fleury

1Publié dans le Correspondant de novembre 1864, l’article réunissait le discours prononcé par Falloux à l’Assemblée législative en 1849 pour justifier l’expédition romaine et ses diverses contributions sur la question romaine publiées depuis 1856 dans cette revue.

2Drouyn de Lhuys, Édouard (1805-1881), diplomate et homme politique. Député de l'opposition libérale sous la Monarchie de Juillet (1842-1846), il sera réélu en 1848 à l'Assemblée constituante. Ministre ds Affaires étrangères, aux côtés de Falloux dans le premier gouvernement Barrot, il sera remplacé en juillet 1849 par A. de Tocqueville. Redevenu ministre des Affaires étrangères le 14 janvier 1851, il soutint le coup d'état. Il occupa à nouveau le poste de ministre des Affaires étrangères de 1852 à 1855 et de 1862 à 1866. En désaccord avec l'Empereur qui refusait d'intervenir militairement contre la Prusse, il démissionna le Ier septembre 1866 cédant la place à Ch. de la Valette. Il s'éloigna dés lors définitivement de la scène politique se consacrant exclusivement à l'Académie des sciences morales et politiques.

3Dupin, François-Pierre-Charles (1784-1873), statisticien et homme politique français. Diplômé de l’École polytechnique, il débuta sa carrière comme ingénieur de la marine et effectua des recherches dans la construction navale. Ami de Carnot, il se fit élire député du parti libéral en 1828. Il protesta contre le ministère Polignac et fit partie du groupe des 221. Élu député de Paris quelques jours avant la révolution de Juillet, il devint successivement conseiller d’État (1831), membre de l’Académie des Sciences morales et politiques (1832) et pair de France (1837). Nommé représentant de la Seine Inférieure aux élections de février 1848, il fit partie de la commission qui proposa la dissolution des ateliers nationaux le 23 juin 1848. Réélu en mai 1849 (parti de l’Ordre), il entra au Sénat peu après le coup d’état de décembre.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «21 décembre 1864», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1864,mis à jour le : 06/06/2021