CECI n'est pas EXECUTE 19 août 1867

Année 1867 |

19 août 1867

Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury à Alfred de Falloux

Paris le 19 août 1867

Monsieur est très honoré confrère,

Le journal des débats publie ce matin le discours prononcé à Dreux pour M. Legouvé1 et ne donne pas le vôtre2. Il est impossible que la contrariété que j’en ai ressentie ne sois pas très supérieure à celle que vous avez éprouvé vous-même, si même vous lui avez permis de vous atteindre. Quant à moi, voici où j’en étais avec le Journal : à l’époque de la cérémonie de Dreux, les chambres législatives étaient en pleine action ; l’encombrement était tel pour les journaux, que tous ceux qui ne se rapportaient pas strictement à la politique fut ajournés, même les articles que, sous couleur littéraire,– témoin mon compte rendu du VIIIe volume de Monsieur Guizot, touchaient aux questions les plus palpitantes d’actualité, comme on dit en assez mauvais français, aujourd’hui. Cet ajournement inévitable fut opposé par notre rédacteur en chef à la publication immédiate du discours de Dreux. Il se plaignait d’ailleurs de n’avoir pas reçu un récit de la solennité, et il espérait le recevoir de M. Legault qui, à ce qu’il semble, ne l’a pas donné. Depuis, j’ai fait un voyage en Belgique et en Allemagne, j’allais dire en Prusse, quoi que j’ai passé huit jours avec les princes d’Orléans3 à Wiesbaden4. Ah ! C’est bien la Prusse par le canon ; - pas le cœur, on ne peut dire que ce soit Nassau ; en lui c’est l’Allemagne qui voudrait être allemande. Quoi qu’il en soit, je ne manquais pas de demander, à mon retour, si l’on avait pensé aux discours de Dreux. On y pensait. Mais le rédacteur en chef, qui était Auguste Léo, fut remplacé par Ernest Dottain, puis le mois d’août, j’ignore ce qui s’est passé ; je ne vois que le fait, la publication d’un seul discours, quand il en fallait publier deux ; et je vais de ce pas m’enquérir des motifs de la suppression du vôtre, et qui ne peuvent être que l’oubli ou la perte de la copie envoyée par l’académie, si je me rappelle bien ce qui en a été dit au secrétariat. Mais j’avais à cœur, cher et honoré confrère, de vous donner cette explication, sous le coup même de la contrariété que je vous ai exprimée au début de cette lettre, et où vous verrez, j’en suis sûr, un témoignage de ma haute, affectueuse et toute sincère considération ; car votre cordiale bienveillance m’empêche de vous parler encore de ma gratitude.

Cuvillier-Fleury

1Legouvé, Ernest Gabriel Jean-Baptiste (1807-1903), auteur dramatique et essayiste. Fils de l'académicien Jean-Baptiste Legouvé (1764-1812), il avait obtenu, en 1827, le prix de l'Académie pour son poème, Découverte de l'Imprimerie. Il était membre de l'Académie française depuis le Ier mars 1855.

Il s’agit du discours que Legouvé a prononcé le 30 juin 1867 lors de l’inauguration de la statue de Jean Rotrou (1609-1650), poète et dramaturge.

2Falloux avait également prononcé un discours lors de cette inauguration.

3Cuvillier-Fleury est favorable aux princes d’Orléans.

4Ville d’Allemagne que le comte de Chambord avait choisi pour résidence d’exil.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «19 août 1867», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1867,mis à jour le : 07/06/2021