1871 |
12 mai 1871
Jean-Baptiste de Dampierre à Alfred de Falloux
Versailles, le 12 mai 1871 13, rue de l’impératrice
Cher ami,
Votre éloignement de nous est pour moi une souffrance de tous les instants ; mais je n’en ai jamais senti la tristesse autant qu’aujourd’hui. J’ai besoin de votre conseil et je ne sais si les circonstances me permettront de l’attendre. Les choses ne peuvent durer ainsi, ma conscience est accablée de la responsabilité d’un silence qui ne peut qu’achever de tourner le pays contre l’assemblée nationale et la faire se jeter entre les bras de l’Empire détesté qu’il commence à regretter.
La scène de M. Thiers1 il y a deux jours comblera certainement la mesure des anxiétés de la France, il lui faut l’espoir d’un prochain dénouement de cette situation sans exemple dans l’histoire.
Voilà en deux mots, cher ami, la raison de la proposition que j’ai le désir de faire et sur laquelle je voudrais de suite votre opinion.
Il m’a semblé que la décision par l’assemblée conjurait le péril de revoir l’Empire, et la ratification par le suffrage universel, tout en ayant le tort de rappeler les plébiscites, donne cependant à ma proposition un caractère de loyauté qui sera peut-être son meilleur passeport.
Je n’ai pas le temps de vous en dire davantage, c’est assez pour que vous jugiez bien le projet dont je vous envoie copie. - un mot je vous prie de suite. Votre éloignement ajoute à l’importance que j’attache à votre approbation, on perd si vite ici la claire vue des choses ! Malgré tout, venez, venez aux prochaines élections vous verrez comme vous serez reçu. Je suis sûr que vous vous en porteriez mieux.
Mes hommages, je vous prie, à Madame de Falloux et croyez, cher ami, à mon affectueux dévouement.
E. de Dampierre2
1Le 10 mai 1871 Thiers signe un traité de paix avec l’Allemagne.
2Dampierre, Jean-Baptiste-Élie-Adrien-Roger, marquis de (1813-1896), homme politique. Riche propriétaire des Landes dony il fut le représentant, il est de tradition légitimiste.