1874 |
29 novembre 1874
Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury à Alfred de Falloux
Paris, Passy, le 29 novembre 1874
Cher comte et très éminent confrère,
Il fallait être malade–et je l’étais -pour ne pas répondre courrier par courrier à votre lettre du 22. Ces premiers froids, dont j’aurais dû éviter l’atteinte dans un exil du Midi m’avaient fort éprouvé. Le cœur à part, j’étais gelé. Mais le cœur se réservait de vous remercier de votre approbation, si chaudement exprimée, et que la bonne grâce de ma femme n’a eu besoin de commenter qu’en partageant mon impression. J’avais essayé de faire, après vous, non pas même une gravure, mais un simple crayon de ce portrait dessiné et peint de main de maître, et dont vous aviez voulu faire le cadre historique, en même temps que vous en donniez la physionomie originale. Et c’est moi que vous remerciez ! Personne pourtant ne s’y est trompé !; - On ne m’a reconnu qu’un mérite, celui d’un copiste auquel votre talent imposait la fidélité et communiquait l’émotion.
Le succès du livre était si grand qu’il en a rejailli quelque chose sur l’article…
Parva sub ingenti laurus si subjecit umbres 1 ?…. Nous avons beaucoup parlé de vous à cause du livre, cher et éminent confrère, un peu à propos de l’article. Mais bien d’autres raisons nous font souvent regretter votre absence et hâter votre retour. Nous avons deux élections à faire, une qui sera, je le crois fort disputée, l’autre qu’on n’ose pas discuter encore. L’académie est divisée en groupes qui ne veulent être ni diminués ni affaiblis ; et M. Guizot laisse un héritage qui doit être recueilli non ramassé.
Les soucis de la chose publique ne prévaudront pas, dans votre esprit ouvert à toutes les prévoyances, sur celui-là. Nous en avons la confiance sans vous attendre avec une impatience qui serait indiscrète, nous vous espérons avec les sentiments qui sont, en moi tout au moins, ceux d’un affectueux et sympathique dévouement.
Cuvillier-Fleury
P.S.
L’élection ou les élections académiques ne se feront pas suivant toute apparence avant le commencement de mars.
1Vers de Virgile.
