CECI n'est pas EXECUTE 16 juillet 1849

Année 1849 |

16 juillet 1849

Léon Faucher à Alfred de Falloux

Les Eaux Bonnes1, 16 juillet 1849

Mon cher collègue,

Je vous remercie de l’envoi de vos deux projets2, dont j’ai fait une lecture attentive. Je les accepterai avec des modifications, s’il le fallait même sans modification ; quoi que je n’aime ni cette élection pour les évêques ni cette autre élection pour les pasteurs protestants, et quoique le gouvernement me paresse seul en mesure de faire des bons choix.

Mais je ne veux pas vous parler aujourd’hui du projet tout entier, qui est une trop grosse affaire. Ce que je ne comprends pas encore malgré les bonnes raisons que vous donnez, c’est que vous ayez hésité un seul instant à détacher du système général, les mesures qu’exige immédiatement et impérieusement l’état de l’instruction primaire.

Ce que vous n’avez pas fait, la commission pourrait le faire d’accord avec vous. Il n’y a rien de plus <mot illisible> que de toutes parts l’on réclame davantage. Les instituteurs primaires sont presque partout des colonies du socialisme ; perdre un seul jour pour armer le pouvoir des moyens de répression nécessaires, c’est jouer gros jeu. Je soumets ces réflexions à votre prévoyance et à votre sagesse.

En moins de quinze jours, vous pourrez avoir une loi sur l’instruction primaire et l’exécuter. Pensez-y ; ce serait un grand bienfait.

Permettez-moi de vous adresser encore quelques observations sur un article à vos projets. Je crois les conseils municipaux, dans les campagnes surtout tout à fait incompétent pour choisir les instituteurs. Outre cette incapacité naturelle, l’opinion de tous ceux qui sont rouges et il y en a beaucoup, les portera à faire de mauvais choix que l’autorité qui nommera les consultes, à la bonne heure ; mais réservez aux pouvoirs compétents le droit de nommer que ce soit le préfet, si vous ne voulez pas de recteur, sur la présentation du conseil académique qui consultera la commune. À cela près, mon cher collègue, j’accepterais votre projet qui me paraît sagement conçu.

Je vois que l’assemblée songe à une prorogation. Si la majorité avait pleine confiance dans le cabinet cela serait possible. Mais en présence de la conduite que tiennent Barrot, Passy3 et Dufaure, cela me semble d’une souveraine imprudence, ce que je vois des départements du Midi me prouve que la patience des amis de l’ordre est à bout. J’ai cru devoir traiter cette question, dans une lettre qui vous a été, je pense, envoyé par <nom illisible>.

Nous sommes encore ici jusqu’aux 25. à cette époque, je me trouverais très probablement guéri. Déjà la voix revient, et j’ai retrouvé toutes mes forces. Puissiez-vous me donner de vous-même et de Madame de Falloux de si bonnes nouvelles !

Si l’Assemblée se proroge, je resterai dans les Pyrénées, cherchant à oublier ce qui s’est passé et à ne pas voir ce qui se passe : dans le cas contraire, je reviendrai à mon poste, vers les premiers jours du mois d’août.

Je vous renouvelle, mon cher collègue, en vous serrant la main, l’assurance de mes sentiments dévoués.

Léon Faucher

 

1Station Thermale des Eaux Bonnes en vallée d’Ossau, Pyrénées Atlantiques.

2Il s’agit sans aucun doute de la loi sur l’instruction public que prépare alors Fallou, devenue par la suite la « loi Falloux » adoptée par l’Assemblée le 15 mars 1850.

3Passy, Hippolyte Philibert (1793-1880), économiste et homme politique. Élu député de l'Eure le 28 octobre 1830, il siégea dans le Tiers Parti . Rapporteur du budget de 1831, il sera réélu dans ce département (collège de Louviers), le 5 juillet 1831 et le 21 juin 1834. Nommé ministre ds Finances dans l'éphémère ministère Maret (10-18 novembre 1834), il sera peu après vice-président de la Chambre des députés. Proche d'A. Thiers, il entra dans son premier ministère (22 février-25 août 1836) comme ministre du Commerce et des Travaux publics. Le 16 décembre 1843 il devint pair de France. En 1848, non élu à l'Assemblée Constituante, il fut néanmoins nommé ministre des Finances dans le premier gouvernement Barrot le 20 décembre 1848 aux côtés de Falloux, puis dans le second gouvernement Barrot jusqu'au 31 octobre 1849. Élu député de l'Eure à l'Assemblée législative, il appuya le gouvernement présidentiel jusqu'au coup d'état du 2 décembre 1851, puis se retira de la vie politique.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 juillet 1849», correspondance-falloux [En ligne], Seconde République, Années 1848-1851, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1849,mis à jour le : 02/07/2021