CECI n'est pas EXECUTE Ier mai 1873

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Ier mai 1873

Alfred Lallié à Alfred de Falloux

Nantes, 1er mai 1873

Monsieur le comte,

Je ne vous avais pas oublié, et il n’a pas dépendu de moi que votre commission se fit plus tôt. Je n’ai vu qu’hier Monsieur de la Rochette1 qui a très bien accueilli ma demande et qui m’a dit qu’il était tout disposé, non seulement à vous communiquer vos lettres, mais à vous les rendre définitivement, insistant sur ce qu’il était parfaitement décidé à ne plus jamais en faire usage, et souhaitant voir la fin de toute polémique. En présence de ces dispositions je n’ai pas cru devoir demander entrer immédiatement en possession des manuscrits. Je pense qu’il va vous faire l’envoi prochainement lui-même. S’il tardait bien je crois qu’un seul mot de vous suffirait pour qu’il mit toute diligence. Il a paru étonné que vous ne lui eussiez pas demander directement ce que vous lui faisiez demander par moi, et a protesté de son attachement et de son affection pour vous. Il n’a jamais eu l’intention d’écrire un mot dont vous pussiez être, je ne dirais pas offensé, mais froissé.

Je n’ai pas lu l’Univers mais je ne suis pas étonné ce que vous me dites.

L’impression produite par les dernières élections est très vive à Nantes ; les républicains conservateurs– cette espèce se multiplie plus qu’on ne le croit – sont consternés. Quant aux simples conservateurs, ils entrevoient à courte échéance l’avènement légal du radicalisme. Peut-être l’assemblée pourraient-elles encore quelque chose si elle voulait agir, mais on ne décidera pas même le centre-gauche Casimir Perier2 a montré les dents à Monsieur Thiers, et, sans cet appoint, nous serons en minorité pour les mesures énergiques. Beaucoup de députés seront sensibles à la crainte de la guerre civile qui résulterait d’une insurrection, et ne voudront pas voir que nous sommes menacés d’un pouvoir qui amènera une guerre civile cent fois pire qu’une insurrection.

J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, Monsieur le comte, votre très humble et très dévoué serviteur.

Alfred Lallié

 

1Légitimiste, fidèle inconditionnel du comte de Chambord, Emerand de la Rochette (1803-1880) n'avait eu de cesse d'attaquer les idées de Berryer en faveur de la « fusion »et adoptera la même attitude à l'encontre de Falloux et de ses amis. Publiciste, il était le fondateur et le directeur de L'espérance du peuple (1852-1876), organe des légitimistes de Loire-Atlantique.

2Casimir Périer, Auguste, Victor, Laurent (1811-1886), diplomate et homme politique. Entré très tôt dans la diplomatie, il démissionnera pour devenir député sous la monarchie de Juillet (1846-1848). Retiré dans ses propriétés de l'Aube après la révolution de février, il entre à nouveau à la chambre à l'occasion des élections du 13 mai 1849 où il soutint la politique de la majorité conservatrice. Élu à l'Assemblée nationale du 8 février 1871, il siégea au centre droit. Le 11 octobre 1871, il avait été  appelé au gouvernement pour succéder au ministère de l'Intérieur à Lambrecht, décédé subitement le 8 octobre. Il démissionnera le 2 février 1872 pour protester en raison du refus de l'Assemblée de réintégrer Paris. Fondateur de la réunion dite de la République conservatrice, il évolua vers le centre-gauche. Rappelé au gouvernement par Thiers le 18 mai 1873 pour se voir confier une nouvelle fois le portefeuille du ministère de l'Intérieur, il n'occupa ce poste que quelques jours, le gouvernement ayant été mis en minorité le 24 mai 1873. Résolument opposé à la politique d'A. de Broglie et à la mise en œuvre de l'Ordre moral, il œuvra au rétablissement définitif et à l'organisation de la République. Élu sénateur inamovible, il vota constamment avec la gauche.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Ier mai 1873», correspondance-falloux [En ligne], 1873, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 21/02/2022