Année 1845 |
16 décembre 1845
Frantz Liszt à Alfred de Falloux
Nantes, 16 décembre 1845
Monsieur le vicomte
Ces lignes, je le sens, ont toute espèce de torts et d’abord celui de venir trop tôt…. Et puis celui de devenir trop tard…
Je devais vous écrire à la fin du mois pour vous dire Oui – tel jour. Pardonnez-moi de ne le pouvoir point, et prenez vous en bien plus à votre éloquence à plaider aussi bien que vous le faites une bonne cause, qu’à ma versatilité apparente. Ma première réponse à Monsieur de Rességuier1 qui vous le savez était toute négative; le lendemain il est vrai, en causant avec vous, j’avais fini par me défier de ce premier mouvement, lequel sans être précisément bon m’est impérieusement commandé par… des circonstances, si vous voulez.
Évidemment, il ne s’agit ici ni d’une question d’intérêt (elles me préoccupent assez peu d’habitude) ni d’une question d’amour-propre, car ce me serait de toute manière une charmante satisfaction que de mettre mon bout de talent aux pieds et aux ordres de vos gracieuses patronnesses ; non hélas ! C’est bien moins et bien plus qui me force, non pas à vous refuser mais à vous prier de ne pas insisté. J’ai malheureusement les plus délicats et les plus tristes du monde, pour ne pas rejouer une lettre à Paris d’ici à longtemps, ici à jamais peut-être ! Et mon refus formel, soit de donner des concerts soit de contribuer à ce qu’on m’a proposé pour cet hiver, en serait au besoin une preuve.
Veuillez donc bien je vous prie, Monsieur le vicomte, faire agréer toutes mes excuses à M. de Rességuier, et s’il se peut gardez-moi un coin de réserve bienveillante que je serais peut-être assez heureux pour justifier dans une autre occasion.
Mille sincères regrets, et tous mes compliments, affectueusement distingués.
F. Liszt
1Albert de Rességuier ou son père le poète Jules de Rességuier.