CECI n'est pas EXECUTE 22 décembre 1848

Année 1848 |

22 décembre 1848

Mgr Du Pont à Alfred de Falloux

Archevêché de Bourges, Bourges, le 22 décembre 1848

Votre avènement aux affaires est de nature à faire concevoir les plus belles espérances. Nous savons tout ce qu’il est permis d’en augurer de bien dans l’intérêt de la religion et du pays. Aussi, Monsieur le ministre, tout l’épiscopat se réjouit-il de cet heureux événement, et nulle joie assurément n’est plus grande que la mienne. J’éprouve une vive satisfaction à vous l’exprimer, et je désire que mes félicitations empressées puissent vous être agréables.

Permettez, monsieur le ministre que tout d’abord je vous donne une marque de cette entière confiance que vous méritez si bien. Du moment que les douloureux événements de Rome m’ont été connus, j’ai souhaité ardemment de me rendre auprès du Saint-Père1, et c’est un vœu que j’ai singulièrement à cœur de réaliser d’une manière quelconque. Je prends la liberté de vous communiquer à cet effet confidentiellement la note ci-jointe avec prière de vouloir bien me donner confidentiellement votre avis sur son contenu. Je vous prie de ne point regarder encore cette communication comme officielle. Veuillez donc, quand à présent, ne la considérer que comme officieuse, et c’est un avis qui n’ait point d’autre caractère que je sollicite de votre obligeant intérêt. Je serai fort reconnaissant, Monsieur le ministre, de votre gracieux empressement à cet égard.

Agréez l’hommage de la haute considération avec laquelle je suis, Monsieur le ministre, votre très humble et très dévoué serviteur.

Jacques Célestin Card. Du Pont2, Archevêque de Tours

 

Note

Le cardinal archevêque de Bourges, à la première nouvelle de la possibilité du voyage du Saint-Père en France par suite des déplorables événements de Rome, écrivit le 1er décembre à Monsieur le Ministre de l’Instruction publique et des Cultes, pour l’informer que, en sa qualité de membre du sacré collège, il devrait se rendre auprès du Pape aussitôt que Sa Sainteté serait en France pour lui présenter ses hommages et prendre ses ordres. Il disait dans cette lettre qu’il recevrait volontiers les instructions que Monsieur le ministre jugerait à propos de lui donner.

Le 2 décembre, il lui fut communiqué par Monsieur le préfet du Cher une lettre de Monsieur le ministre de l’Intérieur, en date du premier annonçant le départ de Sa Sainteté son intention de se rendre en France, le départ de Monsieur le ministre des cultes pour aller à sa rencontre ; et d’après cette communication qui avait pour but, aux termes mêmes de la lettre, de le mettre à même d’aviser à tout ce qu’il serait convenable de faire dans une circonstance si affligeante et si solennelle, il se mit en toute hâte en mesure d’acquitter un devoir cher à son cœur et dés la nuit suivante il partit. Mais arrivé à Lyon, il apprit que le voyage du Saint-Père n’avait point lieu, ou que du moins il était ajourné. Il dut alors revenir à Bourges avec le regret d’une démarche inutile. Que n’avait-il les moyens suffisants ? Il aurait, en poursuivant sa route jusqu’à Gaète3, satisfait un pieux désir, accompli un acte de haute convenance, fait en même temps quelque chose de digne dans l’intérêt même de la France. Mais il a dû renoncer à cette pensée car il n’aurait pas même pu faire le voyage de Marseille si quelqu’un ne lui eut procuré à cet effet la somme nécessaire. Ce qui se conçoit aisément, quand on sait qu’il n’a rien touché de son traitement de cardinal depuis les événements et qu’il a vu son traitement d’archevêque réduit à 12 000 Fr. par la retenue imposée cette année à tous les traitements.

Dans une circonstance comme celle-ci, ne conviendrait-il pas qu’il y eut au moins un cardinal français parmi tous les membres du Sacré collège qui se réunissent autour de Sa Sainteté. Sa présence pourrait influer sur la détermination du Saint-Père. Le cardinal archevêque de Bourges étant le plus jeune des cardinaux français pourrait à ce titre, être choisi pour cette mission que peut-être il remplirait avec plus de facilité par la connaissance qu’il a de la langue italienne. Que le pape doive prochainement venir en France ou rentrer dans Rome, il est à propos qu’il ait à sa suite au moins un cardinal français. La dignité de la France semble le demander aussi bien que ses intérêts.

Le cardinal archevêque de Bourges ferait en sorte de répondre à la confiance du gouvernement, s’il était chargé de cette haute mission. Les motifs qui l’ont porté à lui soumettre ses pensées ne peut manquer d’être appréciés. Mais si le gouvernement ne croit point devoir accueillir les vues qui lui sont exposées, et donner son concours à leur exécution, le cardinal archevêque de Bourges est déterminé à accomplir en son nom privé, un acte qui est un impérieux besoin pour son cœur, et il se rendra auprès du Saint-Père aussitôt que par voie d’emprunt, il sera parvenu à réunir la somme nécessaire pour effectuer ce voyage, et après qu’il aura accompli à l’égard du gouvernement tous les préalables voulus en pareil cas.

Bourges 22 décembre 1848 Archevêque de Bourges

 

2Dupont ou Du Pont, Jacques-Marie Antoine Célestin (1792-1859), évêque auxiliaire de Sens (1824-1830), puis évêque de Saint-Dié (1830-1835), archevêque d'Avignon (1835-1842), il est alors archevêque de Bourges depuis 1842. Il avait été nommé cardinal en 1847.

3Commune du Latium où le pape chassé de Rome s’était réfugié.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «22 décembre 1848», correspondance-falloux [En ligne], Années 1848-1851, Seconde République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1848,mis à jour le : 30/12/2022