Année 1859 |
23 octobre 1859
Louis de Carné à Alfred de Falloux
Ce samedi 23 [octobre 1859]
Votre lettre, mon cher Falloux, vaut pour moi mieux qu’un vote car c’est un éclatant témoignage d’amitié. Merci donc du fond du cœur. Montalembert est venu me chercher hier, probablement pour me dire la même chose.
La résolution très inattendue pour le public du père Lacordaire1 change complètement ma situation. S’il devient comme c’est probable le candidat de la majorité, il ne me restera plus qu’à souhaiter que le grand impresario de cette affaire ne se soit pas <mot illisible> une dangereuse fantaisie aux dépens de ses collègues en se la passant aux <mot illisibles>. Je crains fort qu’avant d’arriver au scrutin, on n’ait acquis la certitude que le nom du père Lacordaire malgré son éclat, était le moins propre de tous à rallier cette majorité déjà problématique. J’ai d’ailleurs, comme bien vous pensez, le désir le plus ardent d’être en ceci mauvais prophète.
Cette affaire m’a causé et me causera peut-être encore quelques tristesses. Mais nous sommes dans des jours où les petites souffrances disparaissent devant les grandes douleurs, quel événement que cette brochure et quel avenir elle promet !!
Adieu mon cher ami. Croyez bien que mon cœur <mot illisible> au plus à vous dans le succès qu’il ne l’est dans la déception. Mille respects à Madame de Falloux et pour vous mille témoignages de reconnaissance et d’attachement.
L. de Carné2
1Lacordaire était alors candidat à l’Académie française. Sa résolution aménera Carné à renoncer à se porter également candidat. Lacordaire sera élu le 2 février 1860.
2Carné, Louis Joseph Marcein comte de (1804-1876), historien et journaliste légitimiste ; attaché et secrétaire d'ambassade sous la Restauration ; il s’était rallié à la Monarchie de Juillet. Il fut un de ceux qui collaborèrent au Correspondant dés sa fondation. Député du Finistère (collège de Quimper) de 1839 à 1848, il appartint au Parti social de Lamartine, puis défendit les intérêts catholiques. Sous le Second Empire, il collabora au nouveau Correspondant, au Journal des Débats, à la Revue des Deux Mondes et à la Revue Européenne. Il avait été élu à l’Académie le 23 avril 1863 contre Émile Littré.
