Année 1861 |
8 novembre 1861
François Guizot à Alfred de Falloux
Val Richer1, 8 novembre 1861
Monsieur et cher confrère, je suis charmé que ma politique chrétienne ait votre sympathie. J’y comptais un peu. Nos dissidences sont réelles, mais nos liens sont supérieurs à nos dissidences. Et vous êtes de ceux qui savent prendre la juste mesure des choses. J’ai écrit surtout pour ma propre satisfaction, pour me laver publiquement les mains du spectacles auquel j’assiste. Et aussi parce que je persiste obstinément dans la confiance que, sinon pour le présent, du moins pour l’avenir, il sert toujours à quelque chose de protester au nom du droit méconnu et violé. Je ne suis pas sorti de mon nid depuis que ce petit volume2 a paru ; mais si j’en crois ce qu’on m’écrit, le public en est un peu plus remué que je ne m’y attendais. Je souhaite que ce qu’on m’écrit soit vrai. Nous sommes dans une de ces crises qui tourneront au bien ou au mal selon que les honnêtes gens auront ou n’auront pas le courage de parler et d’agir comme ils pensent. Je serais bien heureux de contribuer un peu à les décider.
J’attendrai impatiemment vos deux nouveaux volumes de Madame Swetchine. Avant de les connaître, je n’hésite pas à croire que vous avez bien fait de la laisser parler comme elle pensait. On peut ne pas penser comme elle ; mais son âme est toujours bonne à contempler.
Adieu, Monsieur et cher confrère. Quels sont vos projets pour l’hiver prochain ? Je ne compte rentrer à Paris que dans les derniers jours de décembre ; mais je voudrais bien que vous m’y vinssiez pas trop tard, et que nous puissions causer plus souvent et avec plus d’abandon que nous n’avons encore fait. Croyez, je vous prie, à mes bien sincères et bien affectueux sentiments.
Guizot
1Domaine, proche de Lisieux (Calvados), appartenant à François Guizot.
2Sans doute L’Église et la société chrétienne en 1861, Discours académique, 1861.
