CECI n'est pas EXECUTE 1864

Année 1864 |

1864

Louis de Carné à Alfred de Falloux

3 passage Ste Marie, rue du Bac, Paris dimanche 26 [1864]

Je comprends vos appréhensions, mon cher ami, pour l’élection prochaine, voici où en est, ce me semble, cette affaire dont je compte bien que vous allez venir juger vous-même. J’ajoute que votre présence contribuera fort à la simplifier.

Ma lettre très vive à Monsieur Guizot sur le péril de la candidature de X a eu tout l’effet que j’en attendais. La réponse empreinte d’une aigreur non dissimulée contenait à travers l’expression de regrets qui paraissent être très vifs, la résolution formelle de l’abandonner et une demande de concours pour la candidature de Lavergne1 qui m’en écrivait directement de son côté.

Sitôt mon arrivée à Paris qui remonte à huit jours, je me suis rendu chez ce dernier auquel j’ai dit que tout en soutenant sa candidature peu opportune et probablement chanceuse à raison des engagements pris par plusieurs de mes amis qui serait en toute autre circonstance les siens, il ne pouvait douter de mon concours personnel, s’il persistait dans une poursuite qui pour un homme tel que lui ne devait pas être vaine. Lavergne est mon ami de trente ans, il était mon collègue à la Chambre et mon sous-directeur aux affaires étrangères, il m’est demeuré fidèle et de toutes les fortunes au point de s’être presque brouillé avec Monsieur Guizot auquel il n’a ménagé aucune sévérité de langage à l’occasion de l’élection d’Albert De Broglie. Je lui appartiens donc par le lien le plus indissoluble mais cet attachement même me donne près de lui quelque droit à une confiance dont je me servirai assez utilement pour l’amener en temps utile à l’abandon d’une candidature qui nous diviserait sans assurer son succès et en compromettant la majorité quoique ne connaissant ni les ouvrages ni la personne de Monsieur Autran2, et regrettant fort pour les inventer, il me paraît impossible que les auteurs de sa première candidature ne soutiennent pas également celle-ci.

Votre ligne et celle de Montalembert est maintenant tracée je l’ai dit plusieurs fois à Lavergne et je crois l’avoir convaincu. Si ces messieurs persistent à porter Autran, me disait-il hier, je ne me présenterai pas mais en agissant ainsi il appuie l’élection sur Camille Doucet3. Telle est sa position et son seul argument. Lorsque nous serons tous réunis nous verrons ce que l’on peut opposer. Quant à Monsieur Guizot son opposition contre Monsieur Autran, si j’en juge par une lettre récente est fort animée mais ira-t-elle jusqu’à se séparer de nous au vote décisif ? J’en doute sans rien affirmer. Le duc de Broglie est je crois dans le même état d’esprit.

Voilà mon cher ami tout ce que je puis dire. Arrivez le plus vite possible non pour moi, puisque la séance est prévue au 4 février mais pour l’élection que votre présence préparera utilement.

Je quitte à l’instant Thiers qui est rajeuni de vingt ans.

L. de Carné

1Candidat soutenu par F. Guizot auquel il était lié depuis son entrée comme directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur (Rémusat) dans le gouvernement Guizot, Léonce de Lavergne ne sera en définitive jamais élu à l'Académie française. Lavergne, Léonce Louis Gabriel Guilhaud de (1809-1880), économiste, homme politique et homme de lettres. Après avoir entamé une carrière de rédacteur à la Revue du Midi et au Journal de Toulouse, il était entré au Conseil d’État (1842). Élu du Gers de 1846 à 1848, il sera réélu député de la Creuse à l'Assemblée nationale en 1871, siégeant avec le centre-droit. Il sera nommé sénateur inamovible en 1875.

2Autran, Joseph (1813-1877), poète français. Plusieurs fois candidat à l’Académie française, il était soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. Contraint de se retirer devant Octave Feuillet en 1862, il ne sera élu que le 7 mai 1868, en même temps que Claude Bernard.

3Doucet, Camille (1812-1895), directeur général de l’administration des théâtres, élu à l’Académie française le 7 avril 1865, secrétaire perpétuel en 1876.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1864», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1864,mis à jour le : 29/07/2022