Année 1870 |
1er avril 1870
Alphonse Gratry à Alfred de Falloux
Paris, ce 1er avril 1870
Cher et digne Monsieur et ami,
Monsieur de Carné1 a répondu, ainsi qu’il convenait, que, pour Monsieur de Falloux, si la chose était possible, elle était faite, si impossible, elle se ferait. Puis considérant l’affaire en elle-même, il l’a jugé possible, juste, admirable. Il connaissait le dossier.
Quant à moi, cher Monsieur, je vis dans le chagrin de ne pas vous écrire. J’ai toujours votre fameuse lettre dans laquelle ne se trouvent point les paroles incriminées, ainsi que l’ont vérifié, de nouveau, Messieurs de Rességuier et de Lacombe.
Non seulement je ne puis plus écrire de lettre, ne pouvant pas même lire, en quelque sorte, tout ce que je reçois, mais depuis 20 jours je ne peux pas du tout travailler, je suis obligé de laisser vivre, encore pendant quelque temps les 150 écrivains qui m’assiègent : Concilium Malignatium obsedit me. Je n’ajoute pas : Canes multi Circuldedement me.
Cher, bien cher Monsieur, quand donc aurais-je le bonheur de vous revoir ! Que Dieu vous comble de ses bénédictions.
A. Gratry
1Carné, Louis Joseph Marcein comte de (1804-1876), historien et journaliste légitimiste ; attaché et secrétaire d'ambassade sous la Restauration ; il s’était rallié à la Monarchie de Juillet. Il fut un de ceux qui collaborèrent au Correspondant dés sa fondation.. Député du Finistère (collège de Quimper) de 1839 à 1848, il appartint au Parti social de Lamartine, puis défendit les intérêts catholiques. Sous le Second Empire, il collabora au nouveau Correspondant, au Journal des Débats, à la Revue des Deux Mondes et à la Revue Européenne. Il entra à l’Académie le 23 avril 1863.
