CECI n'est pas EXECUTE 14 décembre 1870

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14 décembre 1870

Madeleine de Castellane à Marie de Falloux

14 Décembre 1870

Chère Madame, merci de votre bonne et affectueuse lettre reçue hier. Je m’empresse d’y répondre ou donner des nouvelles que j’ai reçues d’Antoine [de Castellane] hier après l’avoir cru prisonnier ou du moins après les renseignements qui m’ont toujours fait l’effet d’un roman, on le croyait prisonnier. J’avoue que je n’y ai jamais cru, c’était trop invraisemblable d’après les détails. Enfin hier est arrivé ici un messager envoyé par Antoine qui m’apportait une lettre de neuf pages me racontant les trois combats des 7, 8 et 9 où il s’est battu sans avoir une égratignure. J’ai été bien ému de ces détails et des inquiétudes qui hélas vont encore se renouveler tous les jours maintenant ! Cette captivité était un repos relatif, malgré l’extrême contrariété que le pauvre garçon en eût ressenti. Le voilà absolument dans l’action, tous les jours, il peut être en danger, et le spectacle de la douleur de ma pauvre amie de Luynes est loin d’être réconfortante quand on est aussi dans l’angoisse. Je ne vous demande pas encore vos prières et je sais que vous, Madame de Caradeuc et Loyde ne l’oubliez pas. C’est la seule ressource en ce moment si cruel. Dieu seul peut donner la force de supporter de si lourdes croix. Mon frère1 ira demain chercher à retrouver Antoine et à m’en donner des nouvelles. Ma pauvre belle-mère2 est bien seule, et pourtant elle aurait tort de quitter Rochecotte, elle a eu de suite aussi ces bonnes nouvelles d’Antoine. Je pense bien à vous, chère Madame, à Monsieur de Falloux sa santé me préoccupe bien, et les nouvelles que vous m’en donnez me font grand peine. C’est partout cette année que le bon Dieu, envoie des souffrances morales ou physiques. Personne n’est épargné.

Adieu, chère Madame, et encore merci, ma mère vous écrira dès la naissance de Sabine. Merci de votre bon intérêt. Veuillez être mon interprète auprès de Madame Caradeuc, Loyde, de Monsieur de Falloux, et agréez l’expression de mon plus tendre et profond respect.

Madeleine3

Mon frère va aussi bien que possible. J’ai dit à Yolande votre intérêt, elle en est bien touchée et me charge de vous en remercier tout particulièrement.

1Henri Leclerc de Juigné (1845-1893).

3Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné, mariée le 3 avril 1866 avec le marquis Antoine de Castellane.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 décembre 1870», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1870,mis à jour le : 19/09/2022