CECI n'est pas EXECUTE 3 janvier 1871

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3 janvier 1871

Léopold de Gaillard à Alfred de Falloux

Le Correspondant, Paris 3 janvier 1871

Cher Monsieur de Falloux,

J’ai appris hier que vous étiez souffrant à Versailles au moment où j’allais vous adresser ma requête au Bourg d’Iré. Il me semble que le Correspondant ne peut se dispenser de dire son mot sur l’incident Littré1. Par lui-même il n’en vaut pas que la peine par votre intervention et celle de l’évêque, il est pour ainsi dire, nôtre. La détermination si grave prise par Mgr Dupont2 discutable avant, doit être une fois inévitable, énergiquement défendue. C’est un acte d’évêque ; ce n’est pas l’acte d’un chef de parti mettant ses amis en demande de le suivre. Les Débats de ce matin s’en expliquent avec plus de dépit encore que l’insolence. L’opinion ne lui est pas tout d’abord défavorable. Toute preuve de caractère d’où qu’elle vienne, et bien accueillie. Elle a l’air de relever notre époque à ses propres yeux. Quant à l’adhésion des catholiques, elle ne fait pas de doute un seul instant. Monsieur Beluze, président du Cercle catholique, me disait hier le vif contentement de ses jeunes gens. L’Univers aura du mal à tourner cet acte en accusation contre le prélat. On parle beaucoup aussi de votre séance de l’académie de mardi dernier. M. Guizot dit que vous avez très grandement parlé, et M. Cuvillier-Fleury n’en revient pas qu’on puisse mettre tant d’esprit dans un ami qui n’est pas le sien. Sans trahir le huis-clos académique il serait juste et utile de donner au public vos principales raisons avec quelques faciles précautions, elles auraient l’air de venir tout naturellement dans le débat public comme elles sont venues dans le débat privé après l’académie, l’opinion qui là comme partout a droit d’être complètement informée et de juger en dernier ressort. Avec un résumé de vos observations que vous auriez la volonté de dicter à mon intention, je me chargerais bien volontiers de tout raconter sans rien compromettre. Voyez, cher Monsieur, si vous pouvez m’accorder cette indirecte collaboration. En attendant mieux à notre chère revue, il est certain d’avance qu’on ouvrira le 10 surtout pour savoir ce que nous disons de l’élection de Monsieur Littré.

Veuillez bien, cher Monsieur, agréer avec tous mes vœux de bonne année, l’assurance de ma plus respectueuse affection.

Léopold de Gaillard

1Émile Maximilien Paul Littré (1801-1881), lexicographe, philosophe et homme politique. Célèbre pour son Dictionnaire de la langue française, sa candidature en 1963 fut âprement combattue par Mgr Dupanloup qui lui reprochait son athéisme. Il sera néanmoins élu le 30 décembre 1871, ce qui avait amené Mgr Dupanloup à donner sa démission en signe de protestation.

2Paul Georges Marie Dupont des Loges, Paul Georges Marie (1804-1886), ecclésiastique et homme politique, nommé évêque de Metz en 1842. Après l’annexion du nord-est de la Lorraine (actuel département de la Moselle et de la plus grande partie du diocèse de Metz) par l'Empire Allemand, le gouvernement impérial lui conserve ses fonctions et dignités. Il est élu par les Mosellans député au Reichstag de Berlin (1874-1877), où il défendit la cause française.


 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 janvier 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 21/09/2022