CECI n'est pas EXECUTE 12 mai 1871

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12 mai 1871

Hilaire de Lacombre à Alfred de Falloux

Orléans 12 mai 1871

Bien cher ami,

Nous avons une excellente chambre et nous sommes en train d’avoir une bonne armée, fidèle à l’ordre et à l’honneur, engagée contre les révolutionnaires par le sang même qu’elle a si généreusement versé. Ce sont là nos deux points d’appui au milieu de toutes les obscurités redoutables qui nous enveloppent. Je suis convaincu qu’il n’y a pas deux chances de salut pour notre pauvre pays, qu’il n’y en a qu’une : la fusion. Je suis convaincu de plus que le provisoire ne peut durer, qu’il entretient dans la société une sorte de fermentation putride de toutes les convoitises et de toutes les chimères, qu’il développe du même coup les appétits et la misère, qui nous conduit fatalement à une affreuse décomposition intérieure, bientôt suivi d’un nouvel Empire. Il faut donc sous peine de mort que la transition se fasse, mais quand ? Et comment. C’est là, j’ose le dire, que l’auteur s’embarrasse. J’avais pensé que l’assemblée pourrait soumettre au peuple, sous forme de plébiscite, la question : monarchie ou république ? Puis la réponse obtenue, désigner ou plutôt déclarer elle-même le roi comme représentant de la monarchie. Je crois que la question étant posée en ces termes, une immense majorité se prononcerait pour la monarchie, et ce serait ensuite à l’assemblée, dans le sein de laquelle serait fait l’accord, à couronner l’édifice. La reconstitution de l’armée me paraîtrait assurer ce qui manquait pour l’accomplissement de cette grande œuvre de salut national. Une fois Paris rentré dans l’ordre, abordera-t-on la solution ? La majorité de l’assemblée l’imposera-t-elle ? Je ne crois pas que M. Thiers y soit hostile, il faudra qu’elle ne soit pas présentée comme une espèce de revanche contre la politique actuelle. Au fond, le pays ne sera rassuré sur la monarchie que s’il y voit associé M. Thiers dont la popularité et le crédit ne sont pas épuisés dans nos provinces. Et d’un autre côté il est juste de reconnaître que si l’on peut regretter telle ou telle parole de M. Thiers, il a eu raison de forcer la main de la république et des républicains à signer le traité de paix et à se mettre dans la tâche peu enviable du bombardement de Paris.

Sous ce rapport j’approuve le maintien du statu quo pour toutefois qu’il ne dure pas et qu’après avoir reçu de la Providence une des meilleures assemblées qu’ai jamais eu la France, on sache l’employer à temps et à bien. L’avortement de cette assemblée qui nous laisserait en proie à une convention serait l’une des plus lourdes responsabilités de l’histoire. Combien je déplore que vous ne soyez pas là, à la tête de cette assemblée et à côté de M. Thiers ! Je suis convaincu que tout serait bien simplifié. À vous du meilleur de mon cœur

Hil de Lacombe


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 mai 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 26/09/2022