CECI n'est pas EXECUTE 16 janvier 1874

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16 janvier 1874

Elme Caro à Alfred de Falloux

 

Paris, 9 rue Thénard, 16 janvier 1874

Monsieur le comte,

L’intérêt que vous voulez bien prendre à la lutte académique m’autorisera peut-être à vous soumettre quelques renseignements que j’ai pu recueillir dans ces derniers jours.

À mesure que le terme de la lutte se rapproche, je suis convaincu que mon nom se trouve être, par un heureux concours de circonstance, celui sur lequel la lutte peut être engagée avec le plus de chances de succès.

Mais pour que ce résultat devienne possible, il est bien à souhaiter que dès le premier tour j’obtienne un chiffre de voix sensiblement égal à celui de 12 ou 14, que le patronage de M. Guizot assure déjà M. Taine1 sur le fauteuil de M. Saint-Marc Girardin2.

Parmi les voix de vos amis quelques-unes sont plus ou moins engagées à d’autres candidats pour le premier tour. Dans les circonstances présentes, ce jeu pourra être funeste en livrant les chances d’un second scrutin aux gros bataillons. J’espère que ces voix se laisseront dégager par l’intérêt supérieur de la lutte et la crainte de tout compromettre.

Votre haute et légitime influence nous ramènera j’espère, un de mes collègues à la Sorbonne, votre récent confrère, M. Saint René Taillandier qui n’est pas encore décidé en ma faveur et qui donne pour raisons de ces hésitations, que je suis déjà membre d’une autre académie. Cette objection qui n’a pas prévalu contre le choix de M. Littré3, ne prévaudra pas, je pense contre moi. Des objections et des hésitations de ce genre peuvent tout perdre.

Me sera-t-il permis, dès votre retour à Paris, qu’on me dit très prochain, de vous demander un quart d’heure d’entretien ? Je crois être en mesure de mettre sous vos yeux, avec les noms, des informations les plus précises sur les divers groupes qui s’organisent et les chances probables d’une lutte que votre décisive autorité peut convertir en victoire.

Veuillez agréer, Monsieur et très honoré confrère, l’hommage de vos sentiments respectueusement dévoués.

E. Caro

1Taine Hyppolite Adolphe (1828-1893), essayiste et historien. Auteur d'un Essai sur Tite-Live couronné par l'Académie française en 1854, il avait publié deux ans plus tard Les Philosophes français du XIXe siècle, ouvrage dans lequel il critiquait la philosophie spiritualiste enseignée par l'Université. Son œuvre la plus importante demeure ses Origines de la France contemporaine qu'il commença à publier en 1876. Il collabora à plusieurs périodiques dont la Revue des deux Mondes et le Journal des Débats. Candidat à l'Académie française en 1874, il avait été battu par Elme Caro, ses idées philosophiques déplaisant à Mgr Dupanloup et à certains de ses proches. Considéré peu à peu par ceux-ci comme étant « anti-révolutionnaire », Taine sera élu le 14 novembre 1878 en remplacement de Louis de Loménie. Mort peu avant son élection, Mgr Dupanloup aurait même songé à lui apporter sa voix.

2Marc Girardin, dit Saint-Marc Girardin (1801-1873), professeur, écrivain et homme politique. Député sous la monarchie de Juillet (1834) sous la Seconde république, en 1848, il avait été élu à l'Assemblée nationale du 8 février 1871.Conseiller d'état, il fut ministre de l'Instruction publique sous la monarchie de Juillet, de 1845 à 1848. Collaborateur de la Revue des deux mondes, il était membre de l'Académie française depuis 1844.

3Émile Maximilien Paul Littré (1801-1881), lexicographe, philosophe et homme politique. Célèbre pour son Dictionnaire de la langue française, sa candidature en 1963 fut âprement combattue par Mgr Dupanloup qui lui reprochait son athéisme. Il sera néanmoins élu le 30 décembre 1871, ce qui avait amener Mgr Dupanloup à donner sa démission en signe de protestation.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 janvier 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1874,mis à jour le : 31/10/2022