CECI n'est pas EXECUTE 18 juillet 1875

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18 juillet 1875

Edouard de Fitz-James à Alfred de Falloux

Miliana1, Dimanche 18 juillet 1875

Mon cher Falloux,

Merci de votre bonne lettre, de vos prières de celles de tous les vôtres. Nous venons de passer une cruelle quinzaine mais grâce à Dieu voilà notre cher Henri2 en bonne voie de guérison. Je ne puis pas dire encore qu’il est en convalescence. Mais les médecins viennent de me dire ce matin que nous y touchons. Quelle terrible maladie ! Mon cher ami et qu’elle est plus pénible encore sous ce climat brûlant. Mais combien ne devons-nous pas remercier Dieu et nous féliciter qu’Henri ait pu être transporté d’Orléans-ville où il était au début de sa maladie, ici, à Miliana où l’air est bon. À Orléansville3 l’air est empesté. Quatre hussards pris de la fièvre typhoïde avant Henri y sont morts en moins d’une semaine. C’est aux soins et à l’intelligente volonté du capitaine d’Henri, Monsieur le Mis de Broissia, que nous devons son transport à Miliana et certainement son salut. Henri est à l’hôpital militaire on ne saurait plus admirablement soigné. Les deux médecins militaires, Messieurs Spillmann et Broussais, sont, on ne peut plus dévoués et savants, les infirmiers pleins de zèle admirablement disciplinés. Henri chez moi ne serait pas mieux soigné. Madame de Fitz-James, Léonce Jouet mon régisseur du Midi, un bien excellent cœur je vous assure, et moi, entrons comme nous voulons à l’hôpital. Nous nous relevons de quatre heures en quatre heures auprès d’Henri. Le siège de sa maladie a été principalement ses entrailles et le cerveau. Les entrailles sont mieux aujourd’hui, la tête est encore bien fatiguée. Que vous dirais-je de ce pays-ci. Son état moral est bien triste. Sa population civile est un ramassis des exaltés révolutionnaires de toutes les époques. Rien de plus irréligieux que les sentiments de cette population. Il y a un curé, un vicaire, des frères, des sœurs qui font tout ce qu’ils peuvent mais qui sont en butte à une véritable persécution de la part d’un maire et d’un conseil municipal radical et inapte. Les frères qui instruisent près de cent enfants sont sur le point d’être obligé de quitter la place. On leur refuse tout subside. Ils ne vivent depuis trois ans que de la charité d’une famille belge du nom de Bruknacs et de celle d’un capitaine du génie maintenant en France nommé Gillet. Si les larmes vous montent aux yeux en pensant à la perversité des uns elles vous viennent aussi en voyant un brave officier, n’ayant presque que sa solde, se dévouer à une si bonne œuvre. Mais la famille de Bruknacs a perdu son chef, Monsieur Gillet rentré en France : écrit qu’il trouve sa famille dans un état financier qui nécessite son secours. Les trois de froment donc sans ressources et seraient forcés de s’en aller si l’on ne leur venait en aide. Nous nous sommes dits Madame de Fitz-James4 et moi que Dieu nous avait envoyé ici au chevet de notre fils malheureux y faire tout le bien que nous pouvons faire. Nous voulons donc essayer. Il faut aux frères 4800 Fr pour vivre. Ils sont quatre, ils n’ont comme ressource que 1000 Fr. donnés par des pensionnaires. Ne pourriez-vous pas, mon cher Falloux demander au ministère de l’instruction publique qu’on leur donne un subside. Je vais demain allé trouver le maire et l’inviter à fait voter quelque chose pour les frères par son conseil municipal. Vous figurez-vous que le maire envoie son fils chez les frères, et sept conseillers municipaux avec lui, et qu’ils ont refusé le subside des frères à leur dernière réunion. Je vous passe ce que ce même conseil municipal commet d’iniquités contre les sœurs. Le maire est payé par le gouvernement, il reçoit 2500 fr. il se nomme Monsieur Piednois, c’est l’ancien sacristain de la paroisse Il est plus poltron que mauvais. Si je ne peux arriver à rien des frères avec lui par la douceur je le menacerai du Maréchal, de M. Buffet, de M. Wallon. Je veux bien payer de mon argent mais je veux aussi que le conseil municipal et le maire fassent ce qu’il est juste qu’ils fassent. Si vous voyez un moyen de m’aider je vous en prie faites le. Peut-être en écrivant à M. Buffet, à M. Wallon accorderaient-ils des fonds aux Frères de Miliana.

Si l’état d’Henri continue aussi satisfaisant qu’aujourd’hui nous prendrons la route de France dans 15 jours. Nous le mènerons à St Benezet5. Quand il y sera installé, j’irai à Paris et à la Lorie6 et vous voir aussi au Bourg d’Iré mon cher ami me réconforter au contact de votre affection et de celle de ces dames auxquelles je vous demande de transmettre mes très affectueux hommages. Voulez-vous vous charger de donner des nouvelles d’Henri et des nôtres à tous nos amis autour de vous nous savons comme ils pensent à nous et nous les remercions cordialement. On écrit qu’Antoine [de Castellane] a l’air sinon repentant du moins dominé par les désastreuses circonstances de sa folle et coupable conduite ! Dieu veuille toucher son cœur ! Je ne veux pas désespérer qu’il le soit, sachant qu’il est entouré d’affection aussi tutélaires que celles de sa mère, de sa belle-mère et de sa femme. Je vous demande mon cher Falloux de ne pas oublier aussi la mission que je vous ai confiée auprès de Mdes de Pergenne et de Miramon. Vous voyez mon cher ami comme j’ai recours à vous c’est vous dire combien je vous aime et combien je compte sur votre affection. J’espère que votre santé se soutient et que celle de Madame de Falloux est meilleure.

Mille choses à Bertou. bon souvenir à votre aimable secrétaire.

Fitz-James

1Commune algérienne.

2Fitz-James, Henri Marie de (1857-1924).

3Aujourd’hui El Asnam en Algérie.

4Fitz-James, Marguerite Augusta Marie duchesse de, née Löwenhielm (1830-1915), épouse du duc depuis 1857.

5Domaine des Fitz-James dans le Gard, à St-Gilles/

6Château de la Lorie, commune de La Chapelle-sur-Oudon, près de Segré, propriété des Fitz-James.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «18 juillet 1875», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1875,mis à jour le : 15/11/2022