CECI n'est pas EXECUTE 14 décembre 1880

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14 décembre 1880

Paule de Loménie à Alfred de Falloux

14 décembre 1880

Permettez-moi, Monsieur, de remplacer aujourd’hui auprès de vous mon fils absent. Il se proposait d’avoir l’honneur de vous remercier de la lettre que vous avez bien voulue lui adresser aussitôt qu’il pourrait vous rendre compte de la réponse que lui ferait M. Lavedan et de sa visite à M. de Broglie. Mais obligé de partir pour la Provence où il va précisément rechercher un certain nombre de documents indispensables à la publication de l’œuvre qui nous est si chère, et absolument obligé de partir à jour fixe à cause du peu de liberté qu’il a, il a dû partir avant d’avoir pu vous rendre compte du succès complet de la petite négociation qu’il avait entamée et qui sous vos hospices ne pouvait que réussir.

M. Lavedan lui a répondu une lettre qui nous donne toute satisfaction et nous assure notre dépendance pour la publication des Mirabeau ; Monsieur le duc de Broglie a bien voulu confirmer ces assurances.

Vous connaissiez assez, Monsieur, la modération d’esprit de M. de Loménie1 pour vous inquiéter du droit que nous avons réclamé d’exprimer en toute liberté ses jugements souvent sévères sur cette société du XVIIIe siècle, si séduisante mais si corrompue et si frivole, il nous a légué toutes les maladies morales ; quand il s’agit de Mirabeau, le charme de bonne compagnie disparaît, et il ne reste plus guère malgré le prodigieux talent et des facultés intellectuelles incomparables que les maladies morales et quelles maladies ! je n’ai pas besoin non plus de vous dire que le libéralisme chrétien et sage respire dans le livre de mon mari mais pour libéral il l’est avec ardeur. M. de Loménie voyait venir les temps désastreux que nous traversons et avec cette clairvoyance qu’inspire l’approche de la mort, il est parti profondément inquiet de l’avenir nous répétant que la cause de Dieu et de la justice qui allait être attaquée avec tant de violence ne pouvait être efficacement défendue que sur le terrain de la liberté moderne sincèrement acceptée et revendiquée. Hélas ! Il a eu pour raison ! Et si nous n’avons plus le droit d’affaiblir sa pensée nous sommes si convaincus qu’il était dans le vrai que nous n’en n’avons pas le désir. La place me manque, Monsieur, pour vous remercier de vos bontés pour mon fils, et cependant si vous saviez combien j’en suis reconnaissant et quel bien vous lui faites ! Veuillez au moins agréer l’expression de ma gratitude avec celle de ma très haute considération.

Paule de Loménie

1Son mari Louis de Loménie (1802-1878), essayiste et rédacteur à la Revue des Deux Mondes. Élu le 30 décembre 1871 à l'Académie française, il était mort le 2 avril 1878.


 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 décembre 1880», correspondance-falloux [En ligne], 1880, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 04/12/2022