CECI n'est pas EXECUTE 10 juin 1881

1881 |

10 juin 1881

Elme Caro à Alfred de Falloux

9, rue Thénard, 10 juin 1881

Monsieur et cher confrère, j’ai attendu quelques jours pour ne pas être indiscret aux premières heures de votre cruelle épreuve1. Mais la sympathie profonde que mon deuil irréparable éveille pour un malheur pareil, mesurable seulement pour ceux qui l’ont connu. Et les sentiments tout particuliers de déférente affection que j’ai pour vous, tout me fait un devoir de vous dire combien j’ai été ému par cette terrible nouvelle. Hier, j’ai vu la marquise de Castellane qui revenaient avec des impressions bien personnelles de son pèlerinage d’amitié, qu’elle m’a raconté ; et je ne résiste pas au désir de vous dire combien toute mon âme s’est associée aux douleurs qu’elle m’a retracées et à celles qu’elle a ressenties elle-même.

Vous avez des sources de consolation, bien haut placées. Vous avez puisé là l’espoir, la certitude de l’éternel revoir. En dehors de ces espérances, on ne résisterait pas, on ne survivrait pas à ces brisements de cœur, à ces affections rompues contre l’ordre de la nature. Contre toutes les vraisemblances de la vie et de la mort...

Il le faut cependant. Il faut vivre, il faut agir encore. Et n’y a-t-il pas un double devoir pour ceux qui agissent comme vous et qui peuvent rendre encore de si longs services à un pays malheureux, par la force de leur raison et la sagacité de leur patriotisme ?

Veuillez agréer, Monsieur et cher confrère, l’hommage de mes sentiments de douloureuse sympathie et d’affectueux dévouement.

E. Caro

 

1Falloux venait de perdre sa file Loyde (1841-1881).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 juin 1881», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1881,mis à jour le : 05/12/2022