CECI n'est pas EXECUTE 6 août 1881

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6 août 1881

Stanislas Couvreux à Alfred de Falloux

6 août [1881]

Château de Juigné par sablé (Sarthe)

Cher Monsieur,

Je m’empresse de vous donner des nouvelles de Madame de Castellane. Elle est arrivée hier à 4h30, mais hélas avec une migraine que lui avait donné la réverbération du soleil à travers les rideaux des wagons et les châles de sa courroie de voyage. Aussi a-t-elle pris la résolution, plus fermement que jamais, de ne plus voyager tant que le soleil sera à l’horizon. La première soirée ici s’est donc passée dans son lit et dans la solitude. Nous avons trouvé Madame de Juigné1 avec assez pauvre mine, mais se disant et étant au dire de son entourage beaucoup mieux depuis 15 jours. Il est bien probable d’après les récits qui nous ont été faits, que les malaises et crises qui ont le plus inquiété ses enfants provenaient nom du mal lui-même, mais d’un certain remède employé contre le mal l’aconistile2, je crois. Madame de Juigné partant de lundi, pour se rendre à Dinard où sa belle-fille est installée avec ses enfants, c’est lundi soir que, enfin, nous arriverons à Rochecotte. Si elle ne nous y a précédé de quelques jours Mme Craven nous y suivra de très près.

Sauf Mme Craven, qui loge à l’Univers3 attendant la réouverture de Rochecotte et le Docteur qui a été très content d’apprendre que vous vous trouviez bien de Bagnols4, Madame de Castellane n’a vu que l’archevêque5, car je ne compte ni les abbés ni les religieuses !! Mgr Meignan s’est montré très aimable, très spirituel, comme toujours et aussi net, aussi énergique dans sa conversation que dans sa lettre à M. Lavedan. Il quittera Tours après l’Assomption et ne reviendra que 15 jours après pour présider ses deux retraites pastorales. Il a exprimé la grande satisfaction qu’il avait à vous revoir, et assure du vif empressement qu’il mettrait à vous la témoigner. Il est très heureux de la décision que Léon XIII a prise en faveur des droits des archevêques de Tours contre les anabaptistes. Ceux-ci ne désarmeront pas, ou s’il déclare sur un point, ce sera pour faire assaut ou plutôt mine souterraine sur d’autres. La venue de Monsieur Estancelin6 chez eux à Tours, le jour même où arrivait de Rome la nouvelle qui les condamnait, leur a fait relever la tête, à l’heure où il n’allait plus savoir où la cacher !! Ceci m’amène à vous parler de l’article du Figaro ayant pour titre L’attitude du comte de Paris. Madame de Castellane demande de qui l’on se f..iche là ! Et qui est-ce qui se f..iche ?

À l’heure où je vous écris, Boni7 et Jean8 passent leurs examens. Ce n’est que ce soir que le télégraphe viendra nous en apprendre le résultat. Biche9 est très nerveux à ce sujet, et un peu tous avec lui.

Madame de Castellane est bien sensible au souvenir que le duc de Broglie vous a demandé de lui rappeler, et elle vous prie de le lui dire. Oserai-je me permettre d’offrir ici par votre intermédiaire à Monsieur le Duc mes très respectueux hommages ? Si Monsieur Lavedan est auprès de vous, veuillez le remercier pour ma part, de tout le plaisir qu’il a su faire goûter à tous les habitants de la villa Davet. Pour vous, cher Monsieur, vous savez m’entendre, mon respectueux dévouement.

Couvreux

Madame de Castellane fera votre commission à la duchesse de Chevreuse.

Voici la dépêche annonçant le résultat de l’examen : Jean reçu, Boni refusé !! Veuillez dire à Monsieur Lavedan que Monsieur Mézières10 a été parfait. C’est de Jean dont il s’était occupé.

Je rouvre ma lettre pour la seconde fois, afin de vous accuser réception de la vôtre du cinq à Madame de Castellane. Oui ,oui vous crie-t-elle : préférez porter rue de Varenne les affaires de Touraine que de venir à Rochecotte ; les affaires de Touraine sont les mêmes que celles de toute la France.

1Charlotte de Juigné, née de Percin de Montgaillard de La Valette (1825-1897).

2?

3Hôtel à Tours.

4Bagnols-les-Bains, station thermale de Lozère.

5Mgr Colet, Charles Théodore Collet (1806-1883), ordonné en 1831, vicaire général de Dijon, il fut nommé évêque de Luçon le 5 juin 1861. Il avait été promu à l’archevêché de Tours le 25 novembre 1874.

6Estancelin, Charles (1823-1906), Dévoué comme son père à la famille d’Orléans, il avait été élu représentant de la Seine-maritime en 1849. Entré dans la vie privée après le coup,d’État, il fut réélu en 1869 mais échoua à plusieurs reprises après la chute de l’Empire. Hostile au suffrage universel, il demeura un fervent défenseur de la monarchie, de la religion et des agriculteurs.

7Castellane, Boniface de (1867-1932), dit « Boni », fils d’Antoine de Castellane, petit-fils de Pauline de Castellane.

8Jean de Castellane (1868-1948), fils d’Antoine de Castellane, petit-fils de Pauline de Castellane.

9Castellane, Stanislas de (1875-1959), fils d’Antoine de Castellane dit « Biche », petit-fils de Pauline de Castellane.

10Mézières, Alfred Mézières Alfred Jean François (1826-1915), essayiste et homme politique. Normalien, professeur de littérature étrangère à la Sorbonne, il fut l'auteur de plusieurs études sur Shakespeare, Dante et Goethe. Journaliste, il participa à la fondation du temps en 1864. Élu en 1881, député de Meurthe-et-Moselle, il siégea avec les républicains opportunistes et fut constamment réélu jusqu'en 1898. Devenu sénateur de ce même département en 1900, il continua de siéger avec le centre gauche. Élu à l'Académie le 29 janvier 1874 en remplacement de Saint-Marc Girardin, il fut reçu le 17 décembre 1874 par Camille Rousset.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «6 août 1881», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1881,mis à jour le : 06/12/2022