CECI n'est pas EXECUTE 12 mai 1882

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12 mai 1882

Charles de Loménie à Alfred de Falloux

Paris, 12 mai au soir 1882

Monsieur le comte,

Je vous remercie de l’honneur que vous m’avez fait et de la satisfaction que vous m’avez causée en m’adressant vos deux volumes de Discours et de mélanges1. J’étais au courant de la préparation par mon ami M. Roze2 ; et je comptais bien les placer dans ma bibliothèque. Mais je suis heureux de les tenir de votre main. C’est une marque de bienveillante estime dont je suis très fier, et que je n’ose me flatter d’avoir mérité par les sentiments de respectueuse admiration que je vous ai voués. Si j’avais jamais besoin d’être confirmé à la généreuse cause, religieuse et libérale, que vous avez si éloquemment et si efficacement servie, il me suffirait de rouvrir ces volumes en me rappelant que vous m’avez jugé digne de les apprécier. J’y trouverai d’ailleurs des lumières et des encouragements pour les batailles d’aujourd’hui et de demain. La plupart des questions qui y sont traitées sont d’un intérêt tout actuel. Je ne parle pas seulement de tout ce qui se rattache à la défense de la liberté d’enseignement sous toutes ses formes, mais aussi des discours et des travaux d’ordre plus général. Il y a dans votre opuscule sur le parti catholique des pages éclatantes de vérité, de loyauté et de bon sens que je voudrais servir à tous les jeunes gens, mes contemporains

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Ajouterai-je, Monsieur le comte, que ce n’est pas sans un sentiment de tristesse que j’ai achevé cette lecture. Tous les résultats acquis par vos efforts et ceux de la petite armée qui combattait à vos côtés ne sont-ils pas aujourd’hui compromis ? Ce langage qui trouvait autrefois de l’écho dans les âmes les moins favorablement disposées ne semble-t-il pas aujourd’hui, lorsqu’on a le courage de le tenir encore, retentir dans le désert ? J’ai besoin pour ne pas me laisser envahir par le sentiment de remonter encore un peu plus haut dans l’histoire de ce siècle, et de me dire que les années qui ont suivi 1830 ont dû paraître aux jeunes gens animés des convictions qui me sont chères des années bien sombres et bien ingrates. Il nous reste au moins ce qui manquait alors à nos devanciers : des exemplarités, et des maîtres comme vous, Monsieur le comte, qui du fond de votre retraite nous indiquez encore la voie à suivre, et les espérances à garder.

J’aurais été heureux, Monsieur le comte, de vous dire tout ceci de vive voix. Votre prompt départ m’a désappointé. J’aime à croire que ce n’est point la réception de mauvaises nouvelles qui a amené ce départ subit. J’aime à croire aussi que je serais assez heureux pour vous revoir à Paris ce printemps. J’aurais bien grand plaisir à causer avec vous de bien des petites choses.

Veuillez agréer, Monsieur le comte, l’hommage de mes sentiments de profond respect et d’entier dévouement.

Charles de Loménie

 

1Il s'agit de ses Discours et Mélanges politiques qui seront publiés en 1881 chez Plon en 2 vols.

2Roze, Pierre-Gustave (1812-1883), militaire. Promu enseigne de vaisseau en 1837, il avait pris part à l'expédition du Mexique. Capitaine de vaisseau en 1856, contre-amiral en 1862, il sera nommé gouverneur de Cochinchine en 1865. Il avait quitté le service actif en 1877. Falloux en avait fait son collaborateur pour la rédaction de ses Mémoires.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 mai 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1882,mis à jour le : 16/12/2022