CECI n'est pas EXECUTE 28 juin 1882

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28 juin 1882

Léon de La Sicotière à Alfred de Falloux

Alençon, 28 juin 1882

Cher monsieur et excellent ami, je voulais vous écrire pour vous remercier de l’envoi de ces deux beaux volumes1 ; je voulais aussi vous dire combien j’avais pris part à cette nouvelle perte qui vous a frappé après tant d’autres et qui m’a été d’autant plus sensible à moi même, que j’avais toujours trouvé Madame de Caradeuc plus bienveillante et plus obligeante pour les siens et pour moi. Le coup2, quoique prévu depuis longtemps m’a atteint en plein cœur. …

Je reprends enfin possession de moi-même et je viens à vous, comptant toujours sur votre indulgence et sur votre amitié. J’ai lu ou relu ou revécu – excusez-moi ce mot barbare, mais il dit mieux que tout autre ma pensée. Ces discours, ces travaux où depuis plus de 30 ans je m’étais habitué à trouver l’expression de mes idées, de mes expériences les plus chères. Je vous ai suivi pas à pas, vous applaudissant parfois de la main, toujours du cœur. Vous avez été, laissez-moi vous le dire, vous êtes encore l’homme de notre temps qui a vu le plus juste et le plus loin, celui qui eut sauvé et qui sauverait Pergame ou Si Perguema désiré !

Il y a une admirable unité en tout cela : je ne vous adresse point un compliment banal. J’ai fait votre œuvre mienne par la <mot illisible>, la confiance, l’accord sur toutes les grandes questions. Il y a donc une fierté d’ami et aussi un peu de fierté personnelle dans le sentiment qu’elle m’inspire. Témoin de vos premiers succès à Angers, il y a 35 ans et plus, <mot illisible> de ce qui devait les suivre, fidèle de cœur et d’esprit, j’ai trouvé à relire ces pages un intérêt et un charme inexprimable. D’autres les loueraient mieux ; nul ne les sentira comme je les sens et les ressens. Je dirais peut-être quelque chose de cette impression dans le petit journal de ma petite ville. En restez vous là, et ne nous donnez-vous pas le recueil de vos travaux littéraires, discours à l’académie, aux distributions et notamment celui que vous prononçâtes à Combrée3 sur la musique, véritable chef-d’œuvre, et le reste ? Je le désire pour vous, pour nous vos admirateurs et vos amis, pour notre pays, injuste et ingrat à ses heures, mais qui revient toujours, en fin de compte, à ce qui est l’honneur et la justice de la vérité, de la politique, le simple et le grand et le beau dans les arts.

L’abbé Bossard, professeur à l’externat de la rue de Madrid, a publié récemment son étude sur le parlement de Rennes et sur l’illustre procureur général où comme je vous l’avais annoncé, il lui rend une justice qui les honore tous les deux.

Ce nom sera aussi mêlé à une étude sur un côté, peu connu de l’histoire de la faculté de droit de Rennes que je vais achever.

J’ai trouvé celui de Madame la comtesse de Falloux, mère ou aïeule, mêlé à des <mot illisible> que j’achève aussi sur ces misérables <plusieurs mots illisibles> et je me permettrai de la saluer en passant comme une des autorités sur laquelle je m’appuie.

Si vous êtes au Bourg d’Iré, en septembre, j’essaierai, cher Monsieur, d’aller vous dire plus longuement ce que ma lettre, déjà bien longue pourtant, ne saurait vous dire assez combien je suis à vous dans le passé, le présent, l’avenir, de cœur et d’esprit, d’affection et de reconnaissance.

L. de La Sicotière

 

 

1Il s'agit de ses Discours et Mélanges politiques qui seront publiés en 1881 chez Plon en 2 vols.

2Madame de Caradeuc, belle-mère de Falloux, venait de mourir.

3Situé non loin du Bourg d'Iré, la commune de Combrée abritait un collège catholique auquel Falloux, alors ministre de l'Instruction publique et des Cultes avait accordé, le 2 janvier 1849, le privilège de plein exercice. Falloux aimait à s'y rendre en compagnie de ses hôtes, pour y prononcer, à l'occasion, des discours au contenu le plus souvent politique.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «28 juin 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1882,mis à jour le : 16/12/2022