CECI n'est pas EXECUTE 5 février 1883

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5 février 1883

Marc-Humbert Juveneton à Alfred de Falloux

Belmonte1, 5 février 1883

Monsieur le comte,

Je viens de recevoir les livres que vous avez eu la bonté de nous envoyer, et je m'empresse de vous exprimer les sentiments de reconnaissance et aussi de confusion, que j'ai éprouvé en les sortant de leur caisse. Je parle de confusion et, je n'exagère pas, car en voyant l'édition luxueuse de plusieurs des ouvrages que j'avais inscrits sur ma liste, surtout les Charlemagne, j'ai pensé que peut-être ils n'existaient que dans ce format et j'ai regretté d'avoir commis une indiscrétion involontaire de le demander. Vous voudrez bien me la pardonner.

Si je me suis permis, Monsieur le comte, de vous demander l’Itinéraire de Turin à Rome, bien que nous eussions déjà les Mélanges, c'est qu'il m'avait semblé qu'il ne contenait que l'introduction. Je croyais me rappeler avoir lu plusieurs articles sur ce sujet, dans le Correspondant il y a une vingtaine d'années. Je vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu nous en envoyer un nouvel exemplaire, qui a été le bienvenu, car nous avons ici trois Bibliothèques, ou plutôt trois embryons de bibliothèques, correspondant aux trois catégories : les Pères, les novices profès et le novices simples.

Montalembert a dit un jour, je crois, que les évènements avaient donné un effroyable démenti non seulement à ses espérances mais à ses prévisions. En relisant les pages que vous avez écrites, Monsieur le comte, où la clairvoyance est égale aux sentiments élevés que font battre votre noble cœur, c’est le contraire que l’on constate et l’on ne peut s’empêcher de regretter amèrement que vos conseils n’aient pas toujours été suivis. Va-t-on être plus sage maintenant ? Avoir le sens des réalités et mettre la raison à la place d’un aveugle sentiment, pour profiter des circonstances présentes si inattendues et vraiment providentielles ? À dire vrai, je le désire plus que je ne l’espère. Et à moins que le Bon Dieu nous prenne les mains de force pour nous conduire et nous faire arriver, je crains que nous ne restreignons à ne pas saisir celle qu’il nous tend si miséricordieusement. Quoiqu’il en soit puisque vous êtes, Monsieur le comte, la dernière de ces voix généreuses, qui autrefois appelaient au bon combat, en indiquant le vrai chemin, j’ose exprimer le vœu que vous ne vous lassiez pas de la faire entendre et j’ai un peu l’espoir que ce ne sera pas en vain.

Veuillez agréer, Monsieur le comte, avec l’expression de toute notre reconnaissance et l’assurance de nos pauvres vraies ferventes prières, l’hommage de notre profond respect.

Fr. Juveneton R.P. Ed. Marc-Humbert

1À la suite des expulsions de 1880, le couvent de Belmonte, situé en Espagne, accueille de 1880 à 1885 les novices dominicains qui ont dû quitter la France.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «5 février 1883», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1883,mis à jour le : 17/12/2022