CECI n'est pas EXECUTE 26 août 1884

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26 août 1884

Charles de Lacombe à Alfred de Falloux

Charbonnier St Germain Lembron, Puy de Dôme, 26 août 1884

Cher ami,

J’avais à Clermont[-Ferrand] mon frère1, il y a aujourd’hui quinze jours et la grande émotion que je traversais à cette date ne m’empêchait pas de parler de vous avec lui ; nous étions bien assurés que vous nous donniez une pensée e nous étions même intimement unis dans le souvenir que nous vous adressions justement. Le Correspondant est venu nous porter avec votre nom, vos fiers accents ; nous y avons retrouvé avec les idées, les invocations et les mémoires qui nous sont chères, ce je ne sais quoi qui fait de vous un caractère et qui vous donne prise sur les hommes, même sur ceux que cette puissance révolte. Quelques jours plus tard, le 15 août je dînais avec le P. Ch. Perraud2 chez mon évêque3 et j’entendais avec plaisir ce dernier exprimer son admiration pour votre article dont il achevait la lecture. Il le trouvait « magistral » et disait que le St Père4 en serait certainement frappé. Vous savez peut-être que Mgr Boyer est particulièrement apprécié à Rome, Léon XIII lui donnait l’an dernier une marque de confiance en le désignant comme témoin du mariage de son neveu Percé et dans des circonstances graves, il lui en a donné, récemment encore des preuves plus importantes et plus intimes. Je vis si loin des journaux que je ne sais si L’Univers a tenté une réponse ; je serai étonné qu’il eût gardé le silence.

Le mariage de ma fille5 s’est accompli le 12 à notre pleine satisfaction. Mgr Boyer a adressé aux jeunes gens de très bonnes paroles et il leur a transmis la bénédiction du St Père qu’il avait sollicité pour eux et que par une inspiration toute spontanée dont j’ai été bien reconnaissant le cardinal Czacki6 avait aussi demandée et m’avait annoncée. Tout de que j’ai vu à cette occasion, de la famille de Brinon, n’a fait que me rendre plus confiance dans cette alliance pour ma fille. Notre jeune ménage nous est revenu ici depuis quelques jours et le spectacle de leur bonheur nous est d’avance une consolation à la séparation prochaine. Ils iront dans la Creuse chez M. Brinon avant de se rendre au haras où ils doivent habiter. Si le Bourg d’Iré avait été plus près de leur route ils auraient eu grande joie à vous y aller voir, Vous me parlez de ma santé et de mon Berryer7. Hélas ! L’un dépend de l’autre qui est toujours chancelante. Je regrette surtout pour cette chère mémoire ce repos forcé ; quelque pénible qu’il soit, je ne m’en plaindrais pas pour moi-même, devant l’immense satisfaction dont j’ai à remercier la Providence. Vous savez que j’ai remis votre manuscrit sur l’Assemblée à mon frère qui en a été comme moi bien frappé. Adieu cher ami, je voudrais dire au prochain revoir. Agréez l’hommage de ma tendre et respectueuse affection.

Ch. Lacombe

2Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893.Normalien de la promotion About, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.

3Mgr Boyer, Jean-Pierre (1829 -1896), évêque de Clermont (1879-1893) puis archevêque de Bourges de 1893 à sa mort.

5Jeanne Mercier de Lcombe (1863-1913) se maria avec Robert de Brinon (1857-1938).

6Czacki Włodzimierz, Mgr (1835-1888). Nommé par Léon XIII à la nonciature de Paris, il fut chargé d'appliquer la nouvelle politique du Saint-Siège et en particulier de convaincre les catholiques de ne plus lier leur intérêts à la cause royaliste et d'accepter les nouvelles institutions que la France s'était données. Secrétaire de la Congrégation des Études de 1875 à 1877, secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires de 1877 à 1879, nonce à Paris en 1879, cardinal en 1882.

7Charles de Lacombe prépare alors un ouvrage sur le célèbre avocat légitimiste.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 août 1884», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1884,mis à jour le : 06/11/2023