CECI n'est pas EXECUTE 2 janvier 1885

1885 |

2 janvier 1885

Hilaire de Lacombe à Alfred de Falloux

Orléans, 2 janvier 1885

Bien cher ami,

Je n’ai pas besoin de vous dire que je n’ai laissé ni finir l’année ni commencer la nouvelle sans penser bien tendrement à vous devant Dieu. J’espère que votre santé n’est pas mauvaise. N’avez-vous pas été à Rochecotte ? Ne comptez vous pas aller à Rome où il semble que votre place soit si bien indiquée auprès de Léon XIII ? L’homme qui a le plus contribué, il y a 35 ans, à rendre Rome au pape, se doit à lui-même, il doit à l’histoire, de reparaître dans cette ville où il sera comme une glorieuse page d’histoire, une histoire, hélas ! plus heureuse parce qu’elle fut mieux conduite.

J’ai pensé à vous en lisant le dernier article le Monsieur Leroy-Beaulieu1. Il est vraiment remarquable, et est singulièrement habile dans sa vérité. Pour que l’auteur ait saisi tant de nuances et évité tant d’écueils, il faut qu’il ait étudié son sujet avec des gens fort experts. Je n’ai regretté que les appréciations trop radicales sur l’impossibilité du pouvoir temporel ; outre qu’elles sont plus que discutables, elles peuvent indisposer Léon XIII dont le reste de l’article était si bien fait pour frapper l’esprit politique.

Ne songez-vous pas à faire paraître le 3e volume de vos Mélanges ? Je croyais que c’était chose arrangée. Vous savez que j’ai toujours entre les mains les cahiers sur 1848 que vous aviez prêtés à mon frère. Je vous les rapporterai lors de notre première rencontre.

Je vois qu’on se réunit à Angers pour le choix des candidats sénatoriaux2. Pour l’honneur de l’Anjou, j’aurais voulu que les désirs du comte de Paris, exprimés l’an dernier à Mgr Freppel fussent force de loi. Vous êtes-vous refusé aux sollicitations ? Dans le cas regrettable où vous auriez opposé un refus absolu, le nom de Cumont n’a-t-il pas été agité ? J’ai peur que les mesquines intrigues de la jalousie et de la haine n’ait encore enveloppé dans leur toile d’araignée la mollesse trop facile des modérés.

Ici nous n’avons pas d’illusion sénatoriale sur le tapis. Je ne sais ce qu’il adviendra pour les élections législatives, offrirait plus de chance. J’aurais besoin de faire un grand effort sur moi-même pour me mettre résolument à l’œuvre et boire à la coupe de lie insipide et nauséabonde où tout candidat doit se désaltérer. Enfin j’attends l’inspiration et le vent du moment.

Ma femme3 et Bernard vont bien. Ils vous offrent leurs vœux auxquels je joins les miens.

H. de Lacombe

N’aurez-vous pas quelque occasion de passer par Orléans ?

1L’article de d’Anatole Leroy-Beaulieu, intitulé Les Catholiques libéraux et l’Église de France de 1830 à nos jours fut publié en deux parties dans la Revue des Deux Mondes, le 15 août 1884 et le 15 décembre 1884.

2Les élections sénatoriales étaient fixées au 25 janvier 1885. L’écrasante victoire des sénateurs républicains (233 sièges) sur les élus monarchistes (67 sièges) confirmera l’ancrage de la République.

3Noémie de Lacombe, née Marin de Montmarin (1840-1932).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 janvier 1885», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1885,mis à jour le : 19/12/2022