CECI n'est pas EXECUTE 10 juin 1849

Année 1849 |

10 juin 1849

Francisque de Corcelle à Alfred de Falloux

Près le cap Corse, 10 juin 1849, 7 heures du soir

Mon cher ami, depuis le moment où le conseil m’a imposé cette grande responsabilité d’une nouvelle mission à Rome et à Gaëte1, dans des circonstances aussi difficiles que celle où l’Europe toute entière semble engagée, je n’ai pu trouver une minute de liberté pour soulager mon cœur en vous remerciant. Je n’ose vraiment faire usage de cette affectueuse et trop indulgente lettre du Saint-Père. Jamais je ne mériterais de tels témoignages. Si j’avais pu vous voir je vous aurais demandé moins d’amitié ou plutôt d’illusions, dans les termes de votre recommandation d’ailleurs si charmante. Il s’agit d’une mission qui exige avant toute chose, la plus austère vérité ; mais comme j’éprouve un désire très vif de vous être attaché et de vous inspirer quelques attachements, je ne veux pas vous cacher que vos compliments me sont un sujet de joies et de courages. Je me connais trop pour en tirer de l’orgueil.

Demain à midi, je serai à Civitavecchia2, je crains d’arriver au milieu d’une occupation partielle. Nous ne savons rien au-delà du 5 juin.

Oui, certainement, mon cher ami, je prierai pour vous, sous les voûtes de Saint-Pierre, si Dieu permet que nous obtenions cette victoire ; je prierai aussi pour votre jeune fils3. J’ai perdu le mien il y a deux ans et je sais ce qu’il faut demander pour une aussi douce famille que la vôtre. Je fais des vœux pour que vous les trouviez jamais les douleurs qui ne me permettent plus que de soupirer après les réunions éternelles. On m’a raconté que votre jeune enfant s’écriait quand il voulait vous plaire; « Vive Pie 9 ! » il y a trois ans de cela. Mon cher petit avait entendu compter cette gentillesse à Werner,, et disait aussi : vive Pie IX.

Je me mettrai complètement à la disposition de Monsieur votre frère4 et ferait toutes les démarches nécessaires pour le rencontrer. Il voudra bien, j’espère, m’accepter comme banquier.

À travers mes nouvelles préoccupations, je regrette le rapport sur l’enseignement. Cette tâche me paraissait un grand et beau devoir. Heureusement, Monsieur Fresneau me remplace. C’est la chenille qui devient papillon.

Je vous écris, à la hâte, dans un roulis assez violent. Monsieur de La Tour d’Auvergne5 vomie jusqu’au sang. Nous sommes transportés par la Salamandre qui est bien agitée dans sa marche. Encore si elle allait vite ! Je compte les heures.

Adieu, mon cher ministre, croyez, je vous prie à ma profonde gratitude et à mon attachement le plus dévoué.

Fr. de Corcelle

Prenez bien garde aux réfugiés qui s’accumulent à Marseille. Le général commandant la division et le préfet les trouvent très dangereux.

1Après l’attaque du Quirinal par les partisans de Giuzeppe Mazzini, le pape Pie IX avait été contraint, le 24 novembre 1848, de se réfugier à Gaëte, dans le royaume des Deux-Siciles, à 120 km au sud de Rome. le 24 novembre 1848.

2Port de Rome.

3Le fils des Falloux ne survécut que quelques jours ?

5La Tour d'Auvergne, Henri Godefroi Bernard Alphonse de (1823-1871), diplomate. Alors secrétaire d'ambassade à Rome, il sera nommé ambassadeur de France en Toscane (1855), à Turin (1857), à Berlin (1859), puis auprès du Saint-Siège, en 1862.


 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 juin 1849», correspondance-falloux [En ligne], Années 1848-1851, Seconde République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1849,mis à jour le : 20/01/2023