CECI n'est pas EXECUTE 20 décembre 1849

Année 1849 |

20 décembre 1849

Francisque de Corcelle à Alfred de Falloux

Gènes1, 20 décembre 1849

Mon cher ami, j’ai cru qu’il était de mon devoir d’attendre le général B. d’H2. pour lui faire part de toutes les informations dont il pouvait avoir besoin, et qu’il ne m’était pas possible de quitter l’Italie avant d’avoir pris congé du Saint-Père3. Mon dernier voyage à Portici4 s’est terminée le 5 décembre. Le 12 je me suis embarqué pour un navire de commerce à Civita-Vecchia après m’être acquitté de toutes ces convenances. La mère était mauvaise ; je n’ai pas voulu exposer Madame de Corcelle5 et ma fille6 à d’assez violentes incommodités et il en est résulté que nous avons attendu trois jours à Florence le départ d’un autre bâtiment à vapeur. Nous voici à Gênes où le mauvais temps nous retient encore.

Mon projet était de revenir par la corniche et de vous voir en passant soit à Hyères, soit à Menton. À mon arrivée, je me suis empressé d’aller aux renseignements sur le lieu de votre résidence que notre conçue ni l’intendance gouvernementale ne peuvent me faire connaître. Je prends donc le parti de retourner à la <mot illisible> des miens et de vos écrire. Demain matin, je vais à Marseille avec la Marie Antoinette, de là à Hyères chez un de mes très anciens amis à qui j’ai promis une visite de 2 à 3 jours avant de rentrer dans la fournaise du Palais-Bourbon7. Je serai le 22 à Hyères. Ayez la bonté de me répondre sans délai un petit mot à l’adresse que voici : Chez Mme de Syon, hôtel d’Angleterre à Hyères (Var).

Votre opinion sur la plus grande de nos affaires me serait très précieuse. Inutile de vous expliquer le pourquoi. Les tendres sentiments que je vous ai voués suffiraient bien pour que vous ne me refusiez pas cette satisfaction. J’ai d’autres raisons encore, et j’espère que vous ajouterez à votre lettre quelques bonnes nouvelles de votre santé. Combien de fois je me suis désolé et inquiété de cette si triste interruption des services éclatants que vous rendiez à l’Église et à la France ! J’ai cru servir modestement la même cause. Depuis six mois8 vous savez quel était le but de tous mes efforts. En dernier lieu, le matin j’ai pas à préparer le retour du pape à Rome. Il avait daigné m’écrire qu’il était tout disposé à prendre cette heureuse résolution lorsque l’immense majorité du parti conservateur venait de se prononcer dans le sens de la politique que nous avions soutenu pour nos négociations. C’est très confidentiellement que je vous consulte à ce sujet. Je vous supplie de brûler ma lettre et de m’envoyer votre parole d’oracle que je garderai avec toute la discrétion que vous pourrez désirer de mon côté. Le moindre mot me sera une indication. Votre silence même pourrait être une réponse.

J’avais bien pensé à partir d’Hyères le 22 ou 23 pour aller converser quelques minutes avec vous ; mais je viens de recevoir un avis de la commission des congés qui m’apprend que le mien expire le 20 décembre, c’est-à-dire aujourd’hui. Je crains d’ennuyeuses censures et le châtiment du Moniteur si je diffère trop mon retour à Paris. Rien ne me serait plus agréable et consolant que de vous serrer la main et de vous entendre.

J’ai demandé les commissions de Monsieur votre frère9 au moment de quitter Rome. S’il désirait vivement pouvoir faire un pas de plus vers l’Italie et en profiter. J’adresse ma lettre par une voie très sûre à M. Léon Pillet10 qui a été mon camarade de collège. Le consul général de Gênes, mon ancien camarade également se charge de la faire parvenir sous son couvert. Puissiez-vous nous revenir bientôt et nous servir de guide à travers les épaisses ténèbres qui nous enveloppent.

Adieu affectueusement et de toute mon âme. Fr. de Corcelle

Soyez assez bons pour remercier Monsieur de Rességuier de sa très aimable lettre.

1Ville italienne.

2Baraguey d’Hilliers, Achille (1895-1878), général puis Maréchal. Il venait de remplacer le général d’Hautpoul, nommé ministre de la Guerre, et prendre la tête du corps expéditionnaire en Méditerranée. Successeur de F. de Corcelle, B. d’Hilliers assure aussi les fonction d’ambassadeur extraordinaire.

4Petite ville italienne de la région de Naples.

5Mélanie de Corcelle, née de Lasteyrie (1809-1895).

6Marie-Hélène Marthe de Corcelle (1832-1892).

7F. de Corcelle est député de l’Orne.

8F. de Corcelle avait été nommé ambassadeur de France auprès du Saint-Siège à Gaëte en août 1849.

10Léon Pillet (1803-1868), journaliste et diplomate. Il a été directeur de l’Opéra national de Paris de 1840 à 1847.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «20 décembre 1849», correspondance-falloux [En ligne], Années 1848-1851, Seconde République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1849,mis à jour le : 06/02/2023