CECI n'est pas EXECUTE 17 décembre 1852

Année 1852 |

17 décembre 1852

Alfred de Falloux à Francisque de Corcelle

17 décembre 1852

Bien cher ami,

Il y a trop longtemps que je n’ai reçu de vos nouvelles ! Dans la vie de douce occupation et surtout de retraite dont je jouis, très peu de privations me sont sensibles, mais celle-là mais sans cesse présente et je viens tout bonnement m’en plaindre à vous.

J’aurais dû moi-même vous écrire plus tôt ; le mal aux yeux m’en empêche habituellement, puis le sentiment que je n’ai, dans mon coin, rien à dire, ou ce qui revient au même, qu’à parler de moi ; tandis que vous, tout à l’écart que vous soyez aussi, vous participez encore du mouvement et de la connaissance des choses de ce monde.

Permettez-moi donc de vous adresser mes questions par ordre de préoccupation, et répondez-y le jour où vous aurez envie de faire un oisif plaisir à l’un des hommes de ce monde qui vous a le plus cordialement apprécié et qui vous demeurera, de loin ou de près, le plus fidèlement dévoué.

1° comment va votre vie intérieure ? Madame de Corcelle ? Et le cher petit1 béni de Pie IX ? 2° comment ce soutient la santé de Tocqueville, quel genre d’existence et de travaux remplace celui auquel nous avons été associés ?

3° quelles relations politiques vos amis plus particuliers conservent-ils avec les miens ? Quelles impressions ont-ils reçues et avez-vous reçu, vous-même, cher ami, du manifeste2 de Monsieur le comte de Chambord? Des tentatives sérieuses avaient-elles été faites pour qu’il fut signé par toute la famille ? Ont-elles été omises ou repoussées ? Par quels conseils ?

Je ne suis pas encore tout à fait étranger au temps présent de façon à attendre sur ces derniers des réponses précises <deux mots illisibles> mais votre ingénieux esprit et mes vieux souvenirs aidant, nous pourrons peut-être nous comprendre à distance.

Monsieur Berryer a passé vingt quatre heures au Bourg d’Iré. J’en ai tiré d’abord une immense joie, puis quelque profit, mais sait-il tout aujourd’hui ? Il m’a semblé en douter lui-même et ce fait, si vous me le confirmez, me serait un des plus douloureux de l’épreuve actuelle ! S’il vous a reçu, il vous aura parlé de moi, car je l’en avais bien intimement prié. Il m’apparut, sauf trop grande illusion de ma part et ceux la plus libre allure, de ma solitude, que nous n’avions pas cessé un instant de penser et de sentir de même. C’est probablement le meilleur certificat que je puisse vous donner, et je ne me le refuse pas parce que je crois le mériter en conscience.

Cependant, que je serais rassuré et heureux si j’en pouvais dire autant après de longs épanchements avec vous. Quand Dieu me le permettra-t-il ? Pas de longtemps si je dois aller vous chercher à Paris, bientôt si vous tenez compte de mes vœux et vous souvenez un jour que je suis à dix lieux seulement d’Angers et Angers à sept heures de Paris depuis que Nantes s’en mêle. Ce n’est cependant pas là une prétention à avoir en hiver, mais j’y reviendrai dés que je pourrai avoir une pastille du printemps.

Comme il est bon de joindre à tout conseil un peu d’exemple, je ne veux pas terminer ce bout de lettre sans vous faire la part des miens. Mme de Falloux a eu de la peine à se réacclimater, mais il n’y paraît plus désormais. Ma petite Loyde n’a pas eu un instant de malaise, et quoique sont état ne soit pas absolument ce que nous souhaitons, il est assez amélioré pour que nous entremêlions une foule d’actions de grâce, les prières que nous continuons et sollicitons toujours pour elle. Le tout se passe entre une vieille maison qui est démolie et une neuve qui n’est pas encore construite, mais en nous réservant toujours un abri exempt d’humilité et de plâtres frais. N’oubliez pas aussi, je vous en prie, cher ami, mes plus tendres et mes plus reconnaissants souvenirs à M. et Mme de Barberey3.

A vous, à vous de tout cœur.

Alfred

1François Pierre Gilbert de Corcelle (1851-1898).

2Dans ce manifeste, daté du 25 octobre 1852, le prétendant au trône, refusant toute idée de fusion, exige la soumission des princes d’Orléans.

3Maurice Bailly de Barberey (1818-1889) et Hélène de Barberey, née de Roederer (1822-1898). Légitimiste, M. B. de Barberey est un fervent partisan du comte de Chambord qu’il rencontra à plusieurs reprises et dont il devint le correspondant politique pour la province de Champagne.


 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 décembre 1852», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1852,mis à jour le : 15/02/2023