CECI n'est pas EXECUTE 23 février 1879

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23 février 1879

Henri Wallon à Alfred de Falloux

Paris, 23 février 1879

Monsieur et très honoré confrère

La mort de M. de Sacy1 m’amène plutôt que je ne l’aurais pensé à faire appel aux dispositions bienveillantes dont vous m’avez donné l’assurance dans votre dernière lettre. J’aurais différé davantage d’écrire, si je n’avais appris que M. Dumas2 avait indirectement posé la candidature de M. Pasteur3 en invoquant le souvenir de M. Claude Bernard4. Si M. Pasteur joint à ses grands titres scientifiques des titres littéraires (car c’est toujours, comme écrivain qu’un savant prend place parmi vous), il est fort regrettable qu’on ne l’ait pas, mis en avant quand le fauteuil de Claude Bernard était disputé par M. Renan5: il y avait là une convenance de succession qui n’aurait pu qu’ajouter à ses chances de succès, et ce n’est pas moi qui lui aurais fait concurrence. Mais parce que c’est ma candidature que l’on a adoptée alors, il pourrait paraître assez juste et peut-être assez politique de ne pas lui faire perdre ce que j’appellerais le bénéfice de son échec. L’académie en effet a généralement pour habitude d’accueillir dans une élection suivante celui des deux candidats qui, sans toucher au but, s’en est approché en partageant presque par moitié ses suffrages. C’est ce qu’elle vient de faire dans ses deux dernières élections pour les deux candidats qui, avant moi, s’étaient trouvés dans ce cas, et je n’ai garde d’intervenir. Il me serait pénible, je vous l’avoue devoir faire exception pour moi, de me trouver délaissé par ceux qui, en me soutenant dans un combat presque perdu d’avance, m’avaient donné l’espoir de me faire triompher une autre fois.

Veuillez agréer, Monsieur et très honoré confrère, l’assurance de mes sentiments respectueux et dévoués.

H. Wallon

1Sacy, Samuel-Ustazade-Silvestre de (1801-1879), écrivain et homme politique français, il fut nommé conservateur à la Bibliothèque Mazarine en 1836. Fils du célèbre orientaliste, il fut critique littéraire au Journal des Débats où il rédigea une grande partie des articles politiques jusqu'au coup d’état du 2 décembre se consacrant alors uniquement aux questions littéraires. Élu à l’Académie française en 1854, il entra au Sénat en 1865 bien qu’il ait été élu comme opposant au régime impérial.

2Dumas, Jean-Baptiste (1800-1884), chimiste et homme politique. Auteur de plusieurs ouvrages scientifiques, membre de l'Académie des Sciences (1832) et de l'Académie de Médecine (1843), il avait été élu par le Gard à l'Assemblée législative (1849-1851) où il siégea avec la droite. Entré au sénat au lendemain du coup d’État du 2 décembre, il y siégera jusqu'à la chute de l'Empire. Il sera élu à l'Académie le 16 décembre 1875, en remplacement de F. Guizot.

3¨Pasteur, Louis (1822-1895), membre de l'Académie des Sciences depuis 1862, le célèbre scientifique s‘était porté candidat à l'Académie française depuis 1862. Il avait écrit à Falloux à ce sujet (voir sa lettre). Il y sera élu en 1882. Il sera effectivement élu le 8 décembre 1881 au fauteuil d’E. Littré.

4Bernard, Claude (1813-1878), médecin physiologiste. Membre de l'Académie des Sciences (1854) et de l'Académie de Médecine (1861), professeur de physiologie expérimentale au Collège de France en 1855, président de la Société de Biologie, il était entré au sénat en 1869. Auteur de plusieurs ouvrages de médecine et de science, il collaborait par ailleurs à la Revue des Deux Mondes. Il était membre de l'Académie depuis le 7 mai 1868 en remplacement de Jean-Pierre Flourens.

5Renan Ernest Joseph (1823-1892), écrivain et philosophe. Se destinant à la prêtrise, il fis ses premières études à l’école ecclésiastique de Tréguier (1832-1838). Il vint ensuite achever ses humanités à Paris, à Saint-Nicolas du Chardonnet dirigé alors par l’abbé Dupanloup. Entré au grand séminaire de Saint-Sulpice, il le quittera néanmoins deux ans plus tard. Agrégé de philosophie en 1848, il fut élu au Collège de France en 1862 avec le soutien des bonapartistes libéraux. L’année suivante, il publia sa Vie de Jésus dans laquelle il replaçait le Christ dans son milieu historique. L’ouvrage souleva de vives critiques parmi les catholiques qui obtinrent sa mise à l'Index. Mgr Dupanloup, son ancien professeur organisa même une cérémonie d'expiation collective à Notre-Dame. Un an plus tard, Renan fut contraint, sous la pression du gouvernement, de quitter sa chaire du Collège de France. Il entra à l’Académie française en 1878 et devint administrateur du Collège de France en 1883.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «23 février 1879», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1879,mis à jour le : 12/03/2023