CECI n'est pas EXECUTE 30 septembre 1878

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30 septembre 1878

Henri Wallon à Alfred de Falloux

Paris, 30 [1septembre] 1878

Monsieur et très honoré confrère,

Je viens de lire dans un journal que l’Académie française avait fixé au 26 octobre l’élection à laquelle doit donner lieu la mort de Mgr d’Orléans2. Cette détermination un peu précipitée semble indiquer de la part de la majorité qui l’a prise un choix à-peu-près arrêté d’avance. Je m’étais abstenu de me représenter au suffrage de l’académie pour le fauteuil de M. de Loménie3, sachant que ceux qui avaient bien voulu soutenir ma candidature contre M. Renan4 étaient aussi les soutiens de M. Taine5. Mais j’avais espéré, je l’avoue, qu’ils auraient pensé à moi pour la succession de Mgr Dupanloup : la bienveillance même dont il m’honorait n’aurait fait souhaiter vivement de lui rendre à ce titre un public hommage. S’il y a un parti pris et un candidat préféré, je n’irai pas à l’encontre et j’ajouterai les espérances que vous m’aviez fait concevoir lorsque vous écriviez à Monsieur de Champagny (et vous l’aviez autorisé à me communiquer votre lettre) quand m’appuyant dans une candidature ou j’avais tant de chance contre moi, vous et vos amis ne deviez plus m’abandonner avant de m’avoir relevé de cet échec.

Ne prenez pas, je vous prie, ces paroles pour un reproche qui serait déplacé, d’ailleurs injuste envers vous, puisque la résolution de l’académie a été prise en votre absence. C’est simplement un regret dont je vous demande la permission de vous faire confidence et rien de plus.

Veuillez agréer, Monsieur et très honoré confrère, l’assurance de mes sentiments les plus dévoués.

H. Wallon

M. Caro6 m’avait donné le conseil de vous écrire il y a un mois : mais ce jour même j’étais frappé d’un malheur qui ne me permettait guère de porter ailleurs ma pensée.

1Septembre semble impossible car Mgr Dupanloup est mort bien après !

2Mgr Dupanloup. Il était décédé le 11 octobre 1878.

3Loménie, Louis de (1815-1878), essayiste. Professeur de littérature française au Collège de France et à l’École Polytechnique, il est l'auteur d'une importante Galerie des Contemporains illustres par un Homme de rien, en 10 volumes (1840-1847). Il avait été élu à l'Académie le 30 décembre 1871 en remplacement de P. Mérimée.

Viel-Castel, Charles-Louis-Gaspard-Gabriel de Salviac, baron de (1800-1887), homme politique et historien. Directeur de affaires politiques au ministère des Affaires étrangères pendant la monarchie de Juillet, il rentra dans la vie privée après 1848. Auteur d'un Histoire de la restauration en 20 volumes (1870-1870), il collabora à plusieurs reprises à la Revue des Deux Mondes.

4Renan Ernest Joseph (1823-1892), écrivain et philosophe. Se destinant à la prêtrise, il fis ses premières études à l’école ecclésiastique de Tréguier (1832-1838). Il vint ensuite achever ses humanités à Paris, à Saint-Nicolas du Chardonnet dirigé alors par l’abbé Dupanloup. Entré au grand séminaire de Saint-Sulpice, il le quittera néanmoins deux ans plus tard. Agrégé de philosophie en 1848, il fut élu au Collège de France en 1862 avec le soutien des bonapartistes libéraux. L’année suivante, il publia sa Vie de Jésus dans laquelle il replaçait le Christ dans son milieu historique. L’ouvrage souleva de vives critiques parmi les catholiques qui obtinrent sa mise à l'Index. Mgr Dupanloup, son ancien professeur organisa même une cérémonie d'expiation collective à Notre-Dame. Un an plus tard, Renan fut contraint, sous la pression du gouvernement, de quitter sa chaire du Collège de France. Il entra à l’Académie française en 1878 et devint administrateur du Collège de France en 1883.

5Taine Hippolyte Adolphe (1828-1893), essayiste et historien. Auteur d'un Essai sur Tite-Live couronné par l'Académie française en 1854, il avait publié deux ans plus tard Les Philosophes français du XIXe siècle, ouvrage dans lequel il critiquait la philosophie spiritualiste enseignée par l'Université. Son œuvre la plus importante demeure ses Origines de la France contemporaine qu'il commença à publier en 1876. Il collabora à plusieurs périodiques dont la Revue des deux Mondes et le Journal des Débats. Candidat à l'Académie française en 1874, il avait été battu par Elme Caro, ses idées philosophiques déplaisant à Mgr Dupanloup et à certains de ses proches. Considéré peu à peu par ceux-ci comme étant « anti-révolutionnaire », Taine sera élu le 14 novembre 1878 en remplacement de Louis de Loménie. Mort peu avant son élection, Mgr Dupanloup aurait même songé à lui apporter sa voix.

6Caro Elme Marie (1826-1887), professeur de philosophie. Disciple de V. Cousin, il publia plusieurs ouvrages de philosophie spiritualiste et fut élu contre H. Taine à l'Académie française le 29 janvier 1874 en remplacement de Ludovic Vitet.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 septembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1878,mis à jour le : 13/03/2023