Année 1847 |
4 novembre 1847
Théodore de Quatrebarbes à Alfred de Falloux
Le Plessis Chivré1, 4 novembre 1847
Mille pardons, cher ami, d'avoir tant tardé à vous répondre, à vous remercier de votre lettre à MM. de S[ain]t Genys2, à vous dire combien j'ai été heureux de vos succès du congrès de Tours3, combien surtout j'ai été touché de votre dévouement chrétien pour ce pauvre Castellane4, tous les sentiments bons, généreux, élevés sont dans votre cœur. Il n'y a pas une seule de vos actions qui ne soit bon aux autres, pas une seule de vos pensées qui ne soit pour lui et pour ses amis. Je vous aime comme un frère et je suis fier de votre bonne amitié, mais j'en suis encore plus heureux.
J'aurais voulu, cher ami, vous témoigner tous ces sentiments de vive voix, en venant vous serrer la main au Bourg d'Iré mais cela m'a été impossible au milieu des soins et des affaires de tous les instants que nécessitent et qu'amènent une grande construction et des ouvriers, de toute espèce. Nous nous verrons, je l'espère, à la S[ain]t Martin. Tachez, si cela vous est possible, de prendre quelque repos. Vous êtes fatigué et souffrant de tant de causes et d'émotions de tout genre. Songez donc que votre santé n'est pas à vous, que vous ne pouvez pas en disposer comme d'une chose indifférente, que vous devez vivre longtemps encore pour servir Dieu et la France, pour être notre conseil et notre modèle. Vous avez besoin de repos et de régime, de paix d'esprit, d'absence d'émotion, trop vives. La lutte reviendra assez vite.
La position financière de notre pauvre Union5 est grandement déplorable, et accuse hautement l'absence de dévouement et de foi politique de notre pauvre parti. C'est réellement une honte bien grande que de ne pouvoir dans une des provinces les plus riches de France trouver 120 personnes assez intelligentes et d'assez bonne volonté pour sacrifier 60 f. par an dans le but de conserver un organe chrétien et royaliste6.
J'ai demandé des adhésions dans mon arrondissement, je crains malheureusement beaucoup de n'en obtenir qu'un petit nombre. Tout se décidera du reste à la S[ain]t Martin. Si nous succombons, je vous proposerai un moyen terme, très pâle à la vérité, mais qui vaudra mieux cependant qu'un abandon complet.
Adieu, cher ami, tout à vous de cœur et d'âme. Offrez mes respects à Mr. votre père, et mes hommages les plus tendres et dévoués à Mad[ame] votre mère et à Mad[ame] Marie de Falloux.
Si vous avez quelque chose à m'écrire, répondez moi à Chanzeaux, où je serai jusqu'à la S[ain]t Martin.