Année 1859 |
19 mars 1859
Ludovic Vitet à Alfred de Falloux
Paris 19 mars
Mon cher confrère et ami, nous vous avons regretté, vous nous avez manqué mais puisque vous travaillez et amassez pour nous de si bons trésors, nous ne pouvons pas nous plaindre.
M. Guizot a fouillé tous les papiers de Madame de Meulan1 et n’a rien trouvé. Mais vous m’avez l’air de ne pas craindre la disette. Vous me parlez de masse de papiers. Je vous envie car ces papiers sont tout plein de nobles choses. Moi je suis en face d’une masse de romans de Monsieur Sandeau2! Comprenez-vous pareil supplice quand on sort de l’ennui d’un discours retomber dans un autre. Je demande la révision du règlement. Nul ne pourra être condamné à plus d’un discours, le chancelier fera le second, et le 3e sera tiré au sort. Ne serait-ce pas juste ?
Rien ne se débrouille en politique. Si vous arrivez en avril vous trouverez probablement l’écheveau aussi peu dévidé qu’aujourd’hui. Vous en savez dans votre Anjou autant que dans les ministères, peut être moins qu’aux Tuileries. Le vent change à toute <mot illisible>. Est-ce bien le vent, n’est-ce pas seulement la girouette ? Je vous le laisse à deviner.
Au prochain revoir, cher confrère et ami, voilà au moins qui est clair, pacifique et agréable. Faites encore mieux que de le dire, arrivez. À vous de tout cœur.
Vitet
1Sans doute Pauline de Meulan dite Mme Guizot (1873-1827), écrivaine et journaliste. Elle avait épousé François Guizot en 1812.
2Sandeau, Jules (1811-1883), romancier et auteur dramatique. Conservateur de la Bibliothèque Mazarine en 1853, puis bibliothécaire du palais de Saint-Cloud, il était l'ami de Georges Sand et un habitué du salon de la princesse Mathilde. Il avait été élu au fauteuil de Charles Brifaut, le 11 février 1858.
