CECI n'est pas EXECUTE 7 février 1871

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7 février 1871

Ludovic Vitet à Alfred de Falloux

Paris, 7 février 1871

Voici, mon cher ami, ce que nous avons fait hier. Les cinq statues en bronze. Ce n’est pas plus dur que le marbre et c’est beaucoup plus ferme, d’un aspect plus sévère, plus monumental, plus sépulcral et plus militaire tout à la fois. Les bas-reliefs étaient par trop microscopiques et nuisaient au caractère vraiment grandiose du monument. Ils seront remplacés par des ornements symboliques dont les modèles nous seront soumis.

La statue de Lamoricière est faite. J’en suis content. La ressemblance est suffisante. Elle sera terminée et coulée en bronze cet été. Monsieur Dubois1 ne s’est engagé comme vous savez à terminer le tout en 4 ans : un an par statue. Il confirme son engagement. C’est la chapelle qui doit recevoir le monument est prête avant 4 ans, on commencera immédiatement la construction du tombeau sans attendre que toutes les statues soient faites et coulées et le tout pourra être prêt à la fin de 1874 ou au commencement de 1875 au plus tard. Si au contraire les travaux de la cathédrale ne marchent pas, si la chapelle n’est pas disponible d’ici à trois ans on ne peut plus fixer la date pour l’achèvement du tombeau.

On s’est occupé aussi de questions financières et par exemple de la nécessité de faire rentrer les fonds dont M. de la Rochette2 est détenteur. On lui a écrit plusieurs fois. Il laisse lettre sans réponse. M. de Raineville3 doit s’adresser à vous et vous prier de faire une tentative qui aura probablement meilleur résultat. Les nouveaux statuts exigent impérativement, m’a-t-on dit, que tous les fonds soient réunis à Paris. Ce que vous me dites de votre santé me fait chagrin et pour vous et pour nous et pour la chose publique au récit grand besoin, dans cette crise étrange, que des hommes tels que vous revinsse à la vie active. Ne vous frottez vous pas les yeux chaque matin ? Qui ne peut ou ne pas voir dans ce pays ? Dieu veuille que ce ne soit pas <deux mots illisibles> de lanterne magique.

Notre vaillant ami et confrère sera bien heureux des paroles que je lui porterai de votre part. Il laisse une seconde lettre que je ne connais pas encore, et a grand besoin qu’on le soutienne et l’encourage car sa vaillance fait des peurs bleues à ses meilleurs amis et le pauvre homme à double mérite à ne pas faiblir au milieu de cet abandon.

Votre sympathie pour Jules Janin4 commence à trouver de l’écho. Entre lui et Gautier5 il n’y a pas à hésiter. On a décidé qu’on pourvoirait à deux vacances le 7 avril ; mais j’espère que cette décision pourra être reportée. En faisant les quatre élections à la fois vers le commencement de mes on pourrait arriver je crois à de meilleures combinaisons faites d’utile compromis, et remplir 1 peu moins mal certains vides irréparables tandis qu’en coupant ses scrutins en 2, on sera <mot illisible> aussi bien dans la première que dans la seconde campagne.

Madame de Castellane manque bien à ses amis de Paris, faites-moi le plaisir de le lui dire sous tous les tons. Si c’était à votre profit qu’elle nous fausse compagnie, j’aurais la générosité de ne pas trop m’en plaindre, mais puisque vous êtes au même état que nous, un peu d’aide, je vous prie, pour nous la faire sortir de cette longue retraite.

Tâchons surtout qu’elle nous apporte de meilleures nouvelles de votre santé. Je ne puis vous dire, cher ami, combien je vous suis sincèrement et tendrement attaché.

Vitet

1Dubois, Paul (1829-1905), sculpteur et peintre français. S'inspirant du tombeau des Médicis, il réalisa le cénotaphe du général Lamoricière érigé en la cathédrale de Nantes. Ce fut son œuvre majeure.

2La Rochette, Emerand Poictevin de (1803-1880). Publiciste, il est le fondateur et le directeur de L'espérance du peuple (1852-1876), organe des légitimistes de Loire-Atlantique.

3Raineville, Joseph Maria Hubert Vaysse de (1833-1894), homme politique. S'étant engagé, en 1860, dans les zouaves pontificaux, il se battit à Castelfidardo et fut décoré par Pie IX. Il prit également part à la défense de Paris pendant la guerre franco-allemande. Élu député de la Somme à l'Assemblée nationale du 8 février 1871, il siégea au centre droit Ayant prit part aux combinaisons en faveur du rétablissement de la monarchie, il opina pour la chute de Thiers au 24 mai, pour le ministère de Broglie et contre les amendements Wallon. Devenu membre du sénat le 30 janvier 1876, il s'associa aux votes de la majorité monarchiste. Depuis la victoire des républicains, il se prononçait systématiquement contre leur politique, votant notamment contre mes lois Ferry sur l'enseignement.

4Janin, Jules (1804-1874), écrivain et critique dramatique français. Il sera élu le 7 avril en remplacement de Sainte-Beuve.

5Gautier, Théophile, Jules Pierre (1811-1872), poète et romancier, membre actif de l'école littéraire dite du Parnasse. Candidat à quatre reprises à l’Académie française il ne sera jamais élu à l’Académie française.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 février 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 23/03/2023