CECI n'est pas EXECUTE 11 avril 1869

Année 1869 |

11 avril 1869

Ludovic Vitet à Alfred de Falloux

11 avril [1869]

Mon cher ami, je me demande si le plus sage ne serait pas de se taire et de laisser la première lettre en oubli. Cependant il est dans les usages d’annoncer qu’on se retire quand on n’y est résolu. Voici donc ce que j’écrirai si j’étais à la place de M. Nettement1. Il peut tourner cela à sa façon, et changer les mots ; ce qui importe seulement c’est qu’il ne les multiplie pas trop. Ce que vous me dites de Laprade2 m’avait déjà été dit, mais je crois que si nous prenions la peine de lui expliquer la situation il se mettrait sur les points. On m’assure que c’est son grand amour pour Barbier3 qui l’entraîne. Il s’imaginait, on le lui a promis sans doute, que les amis de M. Duvergier voteraient pour Barbier s’il lui donne, à eux, un coup d’épaule. Or, il oublie que ces mêmes amis de M. Duvergier se sont engagés avec Théophile Gautier4. Il faudrait lui montrer combien son calcul est faux et plus nous abandonnant il risque au contraire d’étrangler son ami Barbier.

Au reste, même en mettant M. Laprade dans la colonne des douteux, je trouve encore deux voix de plus à Champagny5 qu’à Duvergier6.

À mardi et tout à vous de cœur.

Vitet

1Candidat une nouvelle fois à l'Académie française, et malgré semble-t-il le soutien de Falloux, A. Nettement avait préférera peu après s'effacer au profit de l'écrivain légitimiste Pierre-Sébastien Laurentie. Mais celui-ci, n'eut pas plus de succés, les membres orléanistes et libéraux de l'Académie refusant catégoriquement de voter pour lui. Voir lettre de Nettement à Falloux du 22 mars 1869.

2Laprade, Victor Richard de (1812-1883), poète et littérateur. Il fut nommé professeur de littérature à la faculté des lettres de Lyon en 1848. De sentiment légitimiste et catholique libéral, il collabora au Correspondant et fut élu à l’Académie française le 11 février 1858. En 1861, suite à la publication, par le Correspondant, de ses Muses d’État, Laprade fut révoqué en tant que fonctionnaire et la revue reçut un avertissement. de la Faculté des Lettres en 1833. Collaborateur à plusieurs journaux dont la Revue des Deux Mondes et Le Globe.

3Barbier, Auguste Henri (1805-1882), poète et littérateur. Il avait été élu le 29 avril 1869 à l'Académie française au siège d'Adolphe-Joseph Empis en dépit de son hostilité déclarée à l'Empire.

4Gautier, Théophile, Jules Pierre (1811-1872), poète et romancier, membre actif de l'école littéraire dite du Parnasse. Candidat à quatre reprises à l’Académie française il ne sera jamais élu à l’Académie française.

5Champagny, François-Joseph-Marie-Thérèse Nompère, dit Franz, comte de (1804-1882), écrivain ultra-catholique. Il fut le collaborateur de l’ancien comme du nouveau Correspondant, de L’Ami de la Religion et de la Revue contemporaine. Il sera élu à l’Académie française le 29 avril 1869, en remplacement de Berryer.

6Duvergier de Hauranne, Prosper-Léon (1798-1881), membre du groupe des « Doctrinaires », il collabora au Globe et à la Revue française. Député du Cher de 1831 à 1848, il participa à la campagne des banquets contribuant à la Révolution de Février. Il fut élu à la Constituante et à la Législative, il siégea à droite et combattit la politique de l’Église. Emprisonné après le coup d’État puis libéré, il partit peu après en exil. Rentré en France en août 1852, il se consacra à la rédaction d’une importante Histoire du gouvernement parlementaire en France en 10 volumes et entra à l’Académie française. Après la chute de l’Empire, il avait été un partisan actif de Thiers. Il sera élu à l’Académie française le 19 mai 1870.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 avril 1869», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1869,mis à jour le : 23/03/2023