CECI n'est pas EXECUTE 30 mai 1880

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30 mai 1880

Gonzalve Vallée à Alfred de Falloux

Dimanche matin, 30 mai 1880

J’ai eu l’honneur de me présenter chez vous vendredi soir, et le regret de ne pas vous trouver. J’allais vous dire mon merci personnel pour le plaisir d’âmes et de lettré que je vous avais dû la veille. Vous dire aussi le regret profond où étaient nos Pères de ne pouvoir aller tous vous entendre. Malheureusement, les uns à cause de leur prédication quotidienne du mois de Marie, les autres à cause de la Procession de la Fête-Dieu que nous faisions jeudi soir à 7 h. 1/2 seulement, tous se sont vu privés de vous entendre, sauf moi, et encore je n’ai pu partir qu’au dernier moment, et ce n’est qu’à force de persévérance que j’ai pu pénétrer à l’intérieur de la salle. Sauf pendant les dix premières minutes, j’ai pu tout entendre et je ne puis vous dire assez combien j’étais heureux et de tout ce que vous nous disiez et de la communion cordiale qui s’était établi entre l’auditoire et vous. Vos économies de 30 ans sont obligés de se rendre à l’évidence, et de venir sur le terrain de la liberté et du droit commun où presque seul vous vous êtes tenu depuis si longtemps que de malentendus dont vivent J. Ferry et consorts à l’heure actuelle, et qui ne sont dus qu’à l’étrange stratégie des catholiques, si triomphants hier, il semblait, et qui seraient désarmés maintenant si le petit groupe dont vous êtes la lumière et l’honneur m’eut deviné les crises qui devaient survenir, et ménagé les possibilités de revanche. Mais comme la lutte sera longue ! Comme il nous faudra de la prudence et du dévouement pour reconquérir cette opinion publique qui vous acclamait si cordialement vous et vos œuvres en 1848 et 1850 et qui ne sait plus que blasphémer contre nous !

La soirée de jeudi me faisait l’effet d’une résurrection. Les membres divisés se rapprochaient. Tout parlait de liberté et de charité. J’en suis revenu plein d’espérance. Nous subirons, je le crois, de par les décrets, une première défaite apparente. Mais la bataille ne sera pas finie, et les lendemains seront à Dieu.

Puissions-nous ne pas oublier ensuite ce par quoi nous aurons pu vaincre.

Adieu, monsieur le comte, veuillez croire à mon merci profond et aux sentiments de respectueuse sympathie de votre humble serviteur en N. S.

Fr G. Vallée1 des Fr. Prêcheurs

1Irénée-Désiré (en religion Gonzalve) Vallée (1841-1927), entré dans l’Ordre des Frères Prêcheurs en 1860.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 mai 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 25/03/2023