Année 1866 |
12 août 1866
Adolphe Thiers à Alfred de Falloux
Paris, 12 août 1866
Mon cher confrère et ami, je reçois en traversant Paris votre lettre de Rochecotte adressée à Trouville1. Vous faites bien de m’envoyer les détails dont je ferais usage au besoin. Vous ne m’apprenez rien car je m’attends à tout de la sottise des partis et du mien comme des autres. Dieu dans sa justice a voulu faire les partis égaux et pour cela il les a faits tous sots, aveugles, hargneux, insupportables et surtout dénués de tout esprit politique. Aussi ne sont-ils maniables que pour la main de l’adversité. Dieu est en train d’employer cette main et de la <mot illisible> à coups de bâton. Vraiment, j’ai pitié des ânes qu’on bat avec cet instrument et qui ont plus d’esprit que ceux qui les battent. Je n’ai aucune pitié des partis. Malheureusement leur dos c’est le nôtre et nous sommes condamnés à sensibilité <mot illisible> même quand nous n’avons pas sottise commune. Mais je suis un vieux ministériel de la Providence et je la bénis quoiqu’elle dise et fasse.
Adieu mon cher confrère et ami. Veuillez adresser mes hommages à la Chatelaine2 à la fois si respectable et si charmante qui règne à Rochecotte où je l’ai vu à une époque qui remonte à son enfance mais pas à la mienne. Hélas ! que de siècles écoulés depuis lors et qu’on vit mal et vite dans le vilain temps des nationalités italienne, allemande, roumaine, slave, mexicaine et autres ! Dieu veuille qu’il n’en découvre pas encore quelqu’une car Dieu sait ce qu’elle nous coûterait !
Adieu encore une fois et tout à vous.
A. Thiers.
Je vais finir l’été à Franconville par Luzarches, Seine-et-Oise
J’y serai pour deux mois. Je suis bien chagrin de l’état de M. de Montalembert.
1Trouville-sur-Mer (Calvados).
2Pauline de Castellane, chez qui Falloux séjourne alors.
