1875 |
18 juillet 1875
Alfred de Falloux à Félix Dupanloup
Bourg d'Iré, 18 juillet 1875
Cher seigneur, personne ne comprend mieux que moi la répugnance pour les exhibitions ostentatoires et pour les pieuses noces de Gamache1 ; mais quand il faut passer par là pour atteindre un grand but, on y passe comme les soldats vont à travers le feu planté sur un sommet leur artillerie et leur drapeau. Vous ne pouvez vous arrêter et nous ne pouvons vous faire grâce que devant un seul obstacle : le complet épuisement de vos forces. Mais grâce à Dieu nous n'en sommes pas là et vous venez de faire une merveilleuse démonstration de vigueur. Quant à un congrès et deux retraites, croyez bien que qui que ce soit dans le monde catholique et qu'eussiez-vous deux congrès et quatre retraites, personne ne les laisserait mettre balance avec ce grand congrès de l'honneur et de l'héroïsme chrétien qui va se tenir à Dublin dans de si opportunes et si merveilleuses circonstances. Partez! Partez donc, cher seigneur, en laissant à tous nos vœux et à toutes nos prières le soin d'accélérer et de protéger vos traversées!
Quant à l’abbé Fèvre2 et au cardinal de Paris3, Albert [de Rességuier] ne m'en dit comme vous qu'un mot à peu près incompréhensible, sans détails et sans notion positive. Je vous rends donc point d'interrogation pour point d'interrogation, et je demande à quelque secrétaire charitable de me mettre au courant d'une affaire qu'il ne faut pas replonger dans l'eau après avoir eu tant de peine à l'en faire sortir. Aucun évêque ne vous a-t-il répondu ni pris aucune mesure analogue à celle de Paris ?
Vôtre plus respectueux ami.
Alfred
1Opéra bouffon de Louis Milon (1801), librement adapté du Don Quichotte de Cervantes.
2Fèvre Justin Louis Pierre (1829-1907), prêtre du diocèse de Langres, bonapartiste puis légitimiste, il se caractérise par son indéfectible ultramontanisme et une constante et violente hostilité à l'encontre des catholiques libéraux auxquels il consacrera une Histoire critique du catholicisme libéral (Saint-Dizier, 1897).
3Mgr Guibert Joseph-Hyppolyte (1802-1886), archevêque de Paris depuis 1871, il avait été nommé cardinal par Pie IX en 1873. Il donnera sa bénédiction au mariage d'Anne de Mackau et du comte Humbert de Quinsonas célébré le 2 mai 1882 à l'église Saint-Philippe du Roule, à Paris.
