CECI n'est pas EXECUTE 3 février 1884*

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3 février 1884*

Alfred de Falloux à Albert de Rességuier

 

3 février 1884*

Cher ami,

Vous êtes pour moitié dans mon changement d’avis sur les nouvelles éditions. À la réflexion, j’ai trouvé qu’il était abominable de me ménager aussi égoïstement aux dépens de vos yeux déjà si malades1 et aux dépens de Jardry2 déjà si surmené. Soyez sûr du reste que mon égoïsme n’y perdra rien. Toute la besogne portera sur M. André et sur Ernest3, et je n’aurais qu’un rôle de surveillance très passive dans le fond de mon fauteuil. J’ai donc écrit à M. Perrin4, comme je vous 91 l’ai annoncé et je serai à sa disposition, dès que lui-même voudra bien se mettre à l’œuvre.

Je vais partir tout à l’heure pour me réinstaller à Angers.

M. Herpin5 est venu hier passer tous les malades de Rochecotte en revue. Il est toujours satisfait de la vitalité de Mme de Castellane6, mais constate cependant que l’ensemble de son état serait inquiétant avec tout autre. Biche7 se remet lentement mais sûrement et le tout doit finir par une croissance un peu pénible, voilà tout. J’ai passé la revue à mon tour. J’ai été trouvé, comme d’habitude, exempt d’infirmités, mais, comme d’habitude aussi, très porté à l’anémie. Il fortifie mon régime, selon une méthode douce qu’il tient de M. Bretonneau dont et avec laquelle il a conduit M. de Puységur jusqu’à 99 ans. J’ai promis de le tenir quitte à moins. À votre tour, donnez-moi des nouvelles de vos yeux, de Paul et de tout le n° 75.

J’ai reçu ici la date du scrutin de l’Académie. Va donc pour le jeudi 21. Cela fait que je vous reverrai très promptement voilà le bon côté, mais pas pour longtemps, voilà le côté triste. M. Herpin et moi sommes bien d’avis qu’il ne faut pas se frotter à la vie de Paris avant le milieu ou la fin d’avril. Cependant les petits revoir valent mieux que les grandes absences et je m’étonnerais de me voir tellement bien acoquiné au petit voyage, si vous n’étiez au bout de chacun d’eux. Comment l’article sur l’Espagne a-t-il été pris dans la rue de Varenne et sera-t-il pris au retour de l’Espagne ? Sera-t-il jugé engageant ou compromettant ? Veut-on user de la prudence ou en abuser ? La lettre de Coëtlogon8 qui n’a point de date ne m’a fait aucune peine. Il est bien évident que le comte de Chambord s’est de plus en plus éloigné du terrain de 1851, puisqu’il a finalement abouti au terrain de P. Boll9 et de Maurice d’Andigné10. C’est cela même qui fait le piquant de l’histoire. Malheureusement les gens qui ont eu beaucoup de peine à avoir une idée dans leur vie ont encore plus de peine à comprendre que quelqu’un en ait eu deux. Pour moi, cher ami, il est bien sûr que je n’en aurais jamais eu qu’une en ce qui vous concerne depuis plus de 50 ans !

Alfred

*

9 mai 1879*

Cher ami,

Monsieur de Grandlieu1 ayant mis en situation de réclamer la présidence du Conseil et le portefeuille de M. Ferry, je vous arrive avec cette double ambition. Mon intention est aussi de vous confier l’ambassade de Rome et je vous en avertis d’avance pour que vous preniez disposition comme je prends les miennes.

M. Letort2 venu hier pour me féliciter a, en même temps, soigneusement examiné Mme de Caradeuc3. Il la trouve aussi bien que possible dans son état et autorise mon absence pourvu qu’elle ne soit pas longue. Je pars donc demain pour Angers4, j’y ferai rapidement mes affaires et, si Dieu le permet, je vous embrasserai tous avec grande joie dans l’après-midi

de lundi.

Alfred.

 

*Lettre publiée par Gérald Gobbi, Alfred de Falloux et Albert de Rességuier,une amitié dans le siècle. Correspondance 1879-1886, Paris, Société des Écrivains, 2013.

 

1C’est sous ce pseudonyme que Léon Lavedan collaborait au Figaro.

2Médecin de famille des Falloux.

3Belle-mère d’Alfred de Falloux, Mme de Caradeuc de La Chalotais, descendante de Louis-René de Caradeuc de La Chalotais, célèbre procureur général au Parlement de Rennes (1701-1788).

4Depuis le décès de son épouse, Falloux faisait souvent des séjours dans sa maison de l’Impasse des Jacobins, à Angers.

1Albert de Rességuier souffrait de la cataracte. Mal alors incurable, il conduisait à une cécité oculaire totale.

2Contrôleur des Monnaies, à l’Hôtel des Monnaies, à Paris, il faisait aussi office de secrétaire de Falloux.

3Tous deux travaillent aux côtés de Falloux pour l’aider à la rédaction de ses ouvrages.

4Éditeur parisien, il publia plusieurs ouvrages de Falloux.

5Médecin de Pauline de Castellane.

6Voir note ci-desus.

7Stanislas (1875-1959), dit « Biche », fils cadet d’Antoine de Castellane.

8Coëtlogon César Bernard Alfred de, marquis (1810-1889), militaire puis journaliste politique. En 1848, il était entré au Corsaire contribuant à en faire un journal légitimiste.

Revenant sur la restauration de la monarchie bourbonienne à Madrid, en 1874, Lavedan, dans son article intitulé « Comme en Espagne », (Le Figaro, 29 janvier 1884) se voulait optimiste sur les chances d'une restauration en France « N'y-a-t-il pas pour nous une consolante promesse d'avenir, et tout en enviant nos voisins, entrés désormais dans le port, n'avons-nous pas lieu d'espérer que bientôt, à notre tour, i nous sera donné d'acclamer u roiviril et sage, avec son Canovas – comme en Espagne?

9Le père jésuite Boll est l’aumônier du comte de Chambord, durant son exil à Froshdorf.

10Ancien conseiller du comte de Chambord, M. d'Andigné contestait les droits d'hérédité du comte de Paris au trône.

Andigné Maurice,comte d' (?-?), fils du comte Édouard d'Andigné et de Marie d'Andigné de Mayneuf, ancien secrétaire du comte de Chambord. Ancien zouave pontifical, il était le directeur du Journal de Paris qu'il avait fondé en 1880.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 février 1884*», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1884,mis à jour le : 24/12/2023