CECI n'est pas EXECUTE 6 février 1884*

1884 |

6 février 1884*

Alfred de Falloux à Albert de Rességuier

6 février 1884*

Cher ami,

Veuillez dire, je vous en prie, aux Saint-Blancard1, ma bien profonde et bien sincère condoléance. Je ne leur écris pas par mon sincère respect pour leur douleur, mais je serais vraiment désolé s’ils m’y croyaient indifférent. Reparlez-moi aussi de tout le triste héritage qu’il laisse derrière lui et dont il vous a à propos légué le dépouillement. Quel est l’ami qu’il vous a adjoint et il vient-t-il bien en soulagement à vos pauvres yeux ? Voilà un nouveau motif pour ne pas les surcharger de besogne. J’ai répondu à Jardry2 qu’avant de revenir à ma première résolution pour les épreuves, je voulais voir le mieux de Mme Jardry consolidé. Du reste, notre scrutin académique étant fixée au 21 de ce mois, j’aurai probablement le temps d’en causer avec vous avant que rien soit commencé, soit à Paris, soit à Angers. J’ai écrit, rue de Solférino pour demander aussi la date des voyageurs dont le retour me guidera également, s’il coïncide mieux que la dernière fois avec mon excursion perdue en l’honneur de M. Wallon3. Du moment où M. de Lesseps4 a lancé sa candidature, je n’ai pas douté de son succès. Les camarades qui sont parvenus à former une majorité pour M. About5, auraient eu peur de la perdre s’ils nous avaient accordé M. Wallon. Ils seront sûrs de la consolider en s’accordant l’ancien complice du triumvirat romain, le confident probable de Napoléon III et le bohême illustre de toute la bohême des Deux Mondes6.

Comment l’évêque d’Autun7 votera-t-il cette fois-ci ? Je ne le lui demanderai certainement pas. L’avenir en ce genre n’aura plus de surprise et par conséquent plus d’intérêt pour moi.

Je n’ai point laisser passer, sans la remarquer, la note du Soleil, ce que je note ici, cher ami, à propos des choses qui ne me causent plus de surprise. Je ne veux pas soupçonner Lavedan de m’avoir trahi près de la duchesse de Galliera8. Je suppose que le mal vient de Rochecotte qui n’y aura pas moins mis de perfidie. J’espère que vous m’aurez justifié, non du fait qui n’était plus contestable, mais de la petite tromperie qui a beaucoup moins pour but de duper personne que de m’assurer 48 heures sans visite à faire ou à recevoir.

Dites à Paul9 qu’il se garde bien de demander à Gabrielle et à Dominique des loupes nouvelles. Je ne demande aux Rességuier que la confirmation et autant que possible la perpétuité de tout ce que j’ai trouvé en eux ou chez eux depuis plus de 50 ans. A Angers, on n’entend parler que des foudres de l’évêque10 contre le comité qui jusqu’ici ne font peur à personne !

Alfred

*

9 mai 1879*

Cher ami,

Monsieur de Grandlieu1 ayant mis en situation de réclamer la présidence du Conseil et le portefeuille de M. Ferry, je vous arrive avec cette double ambition. Mon intention est aussi de vous confier l’ambassade de Rome et je vous en avertis d’avance pour que vous preniez disposition comme je prends les miennes.

M. Letort2 venu hier pour me féliciter a, en même temps, soigneusement examiné Mme de Caradeuc3. Il la trouve aussi bien que possible dans son état et autorise mon absence pourvu qu’elle ne soit pas longue. Je pars donc demain pour Angers4, j’y ferai rapidement mes affaires et, si Dieu le permet, je vous embrasserai tous avec grande joie dans l’après-midi

de lundi.

Alfred.

 

*Lettre publiée par Gérald Gobbi, Alfred de Falloux et Albert de Rességuier,une amitié dans le siècle. Correspondance 1879-1886, Paris, Société des Écrivains, 2013.

 

1C’est sous ce pseudonyme que Léon Lavedan collaborait au Figaro.

2Médecin de famille des Falloux.

3Belle-mère d’Alfred de Falloux, Mme de Caradeuc de La Chalotais, descendante de Louis-René de Caradeuc de La Chalotais, célèbre procureur général au Parlement de Rennes (1701-1788).

4Depuis le décès de son épouse, Falloux faisait souvent des séjours dans sa maison de l’Impasse des Jacobins, à Angers.

1Allusion sans doute au décès d’Armand Marie Laurent Charles de Gontaut-Biron (1839-1884).

2Enseignant, il est alors le secrétaire de Falloux.

3Wallon Henri Alexandre (1812-1904), historien et homme politique. Professeur à la Sorbonne, on lui doit plusieurs travaux sur l'esclavage dans les colonies françaises et dans l'antiquité. Élu de la Guadeloupe à l'Assemblée législative (1849), il démissionne en 1850 en désapprobation des mesures prises par la majorité pour restreindre le droit de vote. Il ne revient à la vie politique qu'après la chute de l'Empire. Élu à l'Assemblée nationale de 1871, il siégea avec le centre droit. Il doit pour partie sa notoriété à l'amendement qui allait établir la République et qui désormais porte son nom.

4Lesseps Ferdinand de (1805-1894), entrepreneur et diplomate. Après avoir exercé le métier de diplomate dans plusieurs ville orientales, il devint le véritable promoteur des deux projets de canaux qui lui valurent d'être resté célèbre (Suez et Panama) et d'être élu à l'Académie française en 1884.

5About, Edmond (1828-1885), écrivain et journaliste, il est alors directeur du périodique XXIe Siècle. Partisan du régime impérial, il était très anticlérical, s’attaquant tout particulièrement aux miracles de Lourdes et au pouvoir temporel du pape. Il avait notamment publié un pamphlet intitulé Question romaine. Candidat à l'Académie française, il sera battu à deux reprises avant d’être élu le 24 janvier 1884.

6Revue des Deux Mondes.

7Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893. Normalien de la promotion About, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.

8Marie, duchesse de Galliera, née Brignole-Sale (1812-1888). Situé au 57 de la rue de Varenne, son hôtel tenait lieu de salon où se réunissaient les principaux leaders légitimistes et orléanistes, partisans pour la plupart de la «fusion». C'est aujourd'hui l’hôtel Matignon.

9Paul de Rességuier (1813-1889), frère aîné d'Albert de Rességuier.

10Mgr Freppel.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «6 février 1884*», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1884,mis à jour le : 08/08/2023