CECI n'est pas EXECUTE 2 janvier 1885*

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2 janvier 1885*

Alfred de Falloux à Albert de Rességuier

2 janvier 1885*

Cher ami,

Pendant que je recevais hier au soir à 8 heures le charmant français et l’édifiant latin que j’aurais dû recevoir à mon réveil, vous deviez avoir reçu à Faye1 mes vœux les plus vrais et les plus tendres ; je les adressais en même temps à Pérignon2, d’où Geneviève et Henri m’avaient écrit en commun un billet qui m’avait fait bien grand plaisir. J’y répondais avec la plus reconnaissante tendresse pour tout le monde, y compris le curé.

Ici tout se passe à merveille. Les bonapartistes ont fini par se prononcer dans leur journal pour M. Blavier3. Il n’y a donc plus lieu de craindre une coalition avec l’extrême droite dont on vous avait menacé et dont je vous avais peut-être parlé. Il devient maintenant probable qu’à la réunion provisoire de demain et au scrutin définitif du 25, M. Blavier passera à une grande majorité. Les républicains, jusqu’ici n’ont pas encore de candidats. Tous ceux à qui ils se sont adressés jusqu’ici les ont refusés, tant la candidature républicaine semble avoir perdu toute chance depuis que la liste des délégués est connue. Que ne pouvez-vous dès lors en dire autant de vos trois départements !

Malgré tout cela, et même dans ce département-ci, où l’on marche cependant avec nous, on le fait plutôt par des sentiments d’affection personnelle et par de vieilles routines d’habitude que par un sentiment vrai et surtout énergique de la situation générale. On est assez mécontent pour faire de l’opposition, mais on est point assez révoltés pour faire une monarchie. On murmure volontiers, et vraiment c’est bien le moins, mais on ne s’indigne pas comme on devrait le faire à la vue de tout ce qui se passe. On défend ses propres enfants et on tient à les envoyer dans les bonnes écoles, mais on ne songe au point à détruire les mauvaises et on prend facilement son parti pour les enfants du voisin sans s’inquiéter de ce que deviendront d’ici à quelques années des enfants de tout le monde. Nous avons eu ces jours-ci un triste exemple à cet égard. Georges Hector4 qui avait de grandes racines dans le pays par sa famille et par ses alliances a été enlevé par une courte maladie. On a dû le remplacer au conseil général et on lui a donné pour successeur un médecin républicain qui faisait

très peu payer ses visites dans la campagne. Après ce triste aveu pour l’Anjou, cher ami, je vous embrasse avec les mille vœux pour que vous fassiez mieux que nous. Les nouvelles politiques du duc de Broglie ne sont pas brillantes5 et les nouvelles des santés à Rochecotte ne le sont pas non plus.

Alfred

*

9 mai 1879*

Cher ami,

Monsieur de Grandlieu1 ayant mis en situation de réclamer la présidence du Conseil et le portefeuille de M. Ferry, je vous arrive avec cette double ambition. Mon intention est aussi de vous confier l’ambassade de Rome et je vous en avertis d’avance pour que vous preniez disposition comme je prends les miennes.

M. Letort2 venu hier pour me féliciter a, en même temps, soigneusement examiné Mme de Caradeuc3. Il la trouve aussi bien que possible dans son état et autorise mon absence pourvu qu’elle ne soit pas longue. Je pars donc demain pour Angers4, j’y ferai rapidement mes affaires et, si Dieu le permet, je vous embrasserai tous avec grande joie dans l’après-midi

de lundi.

Alfred.

 

*Lettre publiée par Gérald Gobbi, Alfred de Falloux et Albert de Rességuier,une amitié dans le siècle. Correspondance 1879-1886, Paris, Société des Écrivains, 2013.

 

1C’est sous ce pseudonyme que Léon Lavedan collaborait au Figaro.

2Médecin de famille des Falloux.

3Belle-mère d’Alfred de Falloux, Mme de Caradeuc de La Chalotais, descendante de Louis-René de Caradeuc de La Chalotais, célèbre procureur général au Parlement de Rennes (1701-1788).

4Depuis le décès de son épouse, Falloux faisait souvent des séjours dans sa maison de l’Impasse des Jacobins, à Angers.

1Château de Faye, dans la Nièvre, domaine appartenant à la famille Benoist d'Azy, à laquelle A. de Rességuier est apparenté, sa fille ayant épousé un membre de la famille Benoist d’Azy.

2Demeurant dans leur château, à Finham (Tar-et-Garonne), les Pérignon sont alliés des Rességuier, une des filles d'Albert de Rességuier, Geneviève (1842-1904) ayant épousé Dieudonné Henri Marie de Pérignon (1840-1889).

3Blavier Aimé Étienne (1827-1896), ingénieur et homme politique. Conservateur (orléaniste), maire d'Angers de 1874 à 1876, il fut élu au sénat le 24 janvier 1884 lors de l'élection partielle consécutive au décès d'A. Joubert-Bonnaire, sénateur du Maine-et-Loire, était candidat à sa réélection aux élections sénatoriales du 5 janvier 1885. Réélu, il continuera de siéger avec les conservateurs monarchistes.

4Hector Georges, comte (? - 1884), propriétaire du château de Tirpoil à Montilliers (Maine-et-Loire) dont il fut maire de 1848 à 1861, avant d’être élu conseiller général de Vihiers (Maine-et-Loire). Il était mort le 26 novembre 1884.

5Candidat aux élections sénatoriales dans l'Eure, A. de Broglie fut effectivement battu et dut céder son siège au républicain Lecointe.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 janvier 1885*», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1885,mis à jour le : 08/08/2023