1885 |
23 janvier 1885*
Alfred de Falloux à Albert de Rességuier
23 janvier 1885*
Cher ami,
M. Othenin d’Haussonville1 s’annonçait pour passer ici la journée d’après-demain dimanche et je n’ai pas voulu partir demain samedi veille de son arrivée comme cela s’était trouvé déjà une fois. J’ai donc remis mon départ, à lundi, afin de mettre la journée de dimanche à profit sous plusieurs rapports, mais voilà que ce matin il s’annonce pour mercredi seulement, ce qui reporterait mon départ au moins à jeudi. Il faut compter deux jours à Tours pour voir le docteur Herpin et l’archevêque2. J’ai donc résisté aux vives et amicales instances de Mme de Castellane, mais il en résulte qu’au lieu de vous apporter tous les secrets du château d’Eu3, je vous les demande. Quittant Rochecotte lundi matin, je ferai mes visites à Tours dans le courant de la journée et dans la matinée du mardi, puis je vous arriverai le mardi, pour dîner si vous êtes naturellement chez vous. Comme j’aurai fait seulement le trajet de Tours à Paris, je manquerai sans grand inconvénient, je le crois, à mes habitudes en dînant avec vous le jour même de mon arrivée, mais si vous devez être chez Berthe4, ou chez la princesse W5 ou chez tout autre princesse, je dînerai seul le mardi et avec vous le premier jour où vous serez libre. M. André6 repartira de Tours pour Angers et viendra me rejoindre directement à Rome, par économie, la bourse étant assez essoufflée des promenades qu’elle aura été faire dans le Corso. D’ici à mardi, aurez-vous pu savoir quand M. le comte de Paris vient rue de Varennes. On me dit que c’est toujours vers la fin du mois. Je voudrais bien qu’il n’en fut pas autrement cette fois-ci, car, aussitôt que je l’aurais vu quelques instants et que je lui aurais témoigné ma reconnaissance pour sa persévérante bonté envers moi, nous aurons gagné le mois de février et l’adoucissement probable de la saison. Faites mes confidences à Lavedan qui pourra peut-être vous renseigner de façon précise par l’intermédiaire de son gendre mais tâchez que cela reste entre vous deux, non que je tienne à un secret absolu qui ne serait guère, ni commode ni possible, mais je voudrais au moins le secret relatif de façon à ne pas me lire dans les journaux et à ne pas me voir transformé en commissionnaire de telle ou telle cause. En réalité, je ne veux pas l’être et quand même je voudrais l’être, je crois que l’apparence contraire serait de meilleur goût et de meilleures chances. J’accepte aussi le duc de Broglie, je lui ai déjà écrit sur le même sujet et que je sais combien, en général, il aime peu les ébruitements il l’y prête peu. Mmes de Castellane7 sont très fâchées contre vous. Néanmoins elles vous aiment beaucoup et vous envoient mille tendresses.
Au revoir, au revoir très prochain, cher ami.
Alfred
PS : je recevrai lundi matin mon courrier à Rochecotte ; mardi matin à Tours, Hôtel de l’Univers. J’ai écrit à M. Jardry pour lui demander où il pourrait me loger et j’ai demandé qu’on m’adressât chez vous les lettres de Rome ou du notaire d’Angers que je ne voudrais pas exposer à des retards ou à des malentendus. Veuillez donc en avertir votre aimable concierge.
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9 mai 1879*
Cher ami,
Monsieur de Grandlieu1 ayant mis en situation de réclamer la présidence du Conseil et le portefeuille de M. Ferry, je vous arrive avec cette double ambition. Mon intention est aussi de vous confier l’ambassade de Rome et je vous en avertis d’avance pour que vous preniez disposition comme je prends les miennes.
M. Letort2 venu hier pour me féliciter a, en même temps, soigneusement examiné Mme de Caradeuc3. Il la trouve aussi bien que possible dans son état et autorise mon absence pourvu qu’elle ne soit pas longue. Je pars donc demain pour Angers4, j’y ferai rapidement mes affaires et, si Dieu le permet, je vous embrasserai tous avec grande joie dans l’après-midi
de lundi.
Alfred.
*Lettre publiée par Gérald Gobbi, Alfred de Falloux et Albert de Rességuier,une amitié dans le siècle. Correspondance 1879-1886, Paris, Société des Écrivains, 2013.
1C’est sous ce pseudonyme que Léon Lavedan collaborait au Figaro.
2Médecin de famille des Falloux.
3Belle-mère d’Alfred de Falloux, Mme de Caradeuc de La Chalotais, descendante de Louis-René de Caradeuc de La Chalotais, célèbre procureur général au Parlement de Rennes (1701-1788).
4Depuis le décès de son épouse, Falloux faisait souvent des séjours dans sa maison de l’Impasse des Jacobins, à Angers.
1Haussonville, Joseph Othenin Bernard de Cléron, comte d’ (1810-1884), diplomate et homme politique. Il commença sa carrière de diplomate comme attaché à l’ambassade de France à Rome auprès de Chateaubriand en 1929. Après la révolution de 1830, il continua sa carrière diplomatique à Bruxelles, Turin et Naples. Il avait épousé en 1836 la sœur d’Albert de Broglie, Louise Albertine de Broglie. Ayant démissionné de ses fonctions de secrétaire d’ambassade en 1842, il se fit élire à la Chambre des Députés (collège de Provins). Ayant protesté contre le coup d’état du 2 décembre, il se réfugia quelque temps à Bruxelles. Collaborateur de la Revue des Deux Mondes, il fut l’un des chefs de file de l’Union libérale. Le 29 avril 1869, il fut élu à l’Académie française. Après la chute de l’Empire, il se tint à l’écart de la vie politique. Le 15 novembre 1878, il fut néanmoins élu, en tant que républicain conservateur, sénateur inamovible.
2Mgr Meignan.
3Domaine du comte de Paris, en Normandie.
4Berthe Benoist d'Azy (1850-1899), fille cadette d'A. de Rességuier.
5Sans doute Sayn-Wittgenstein, Léonille, née Bariatinsky (1816-1918), princesse d'origine russe, orthodoxe, elle avait été converti au catholicisme romain par Mgr. Dupanloup.
6Secrétaire de Falloux.
7Pauline de Castellane et sa belle-fille, Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné. Elle avait épousé Antoine de Castellane, son fils, le 3 avril 1866.
