CECI n'est pas EXECUTE 31 mars 1885*

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31 mars 1885*

Albert de Rességuier à Alfred de Falloux

Paris, 31 mars 1885*

Cher ami, hier, entre les deux exercices de l’excellente retraite, disciple du P. Lacordaire, je me suis donné la satisfaction d’aller assister, au Palais-Bourbon, à l’exécution de Ferry par Clemenceau1. Cela a été fait de main de Jacobin, en dix minutes et en quelques mots tranchants comme le couperet révolutionnaire. – L’ignoble majorité qui, samedi dernier encore, soutenait ce misérable, a applaudi à sa chute et accompagné de ses sarcasmes sa honteuse sortie de la chambre, après le vote qui l’a renversé. Cela ressemblait à une scène de la convention et m’a rappelé ce mot de Gambetta : « quand Freycinet2 sera au pouvoir, faites vos paquets : – soyez partis quand Clemenceau y arrivera. » – Au-dehors, la foule était houleuse et a fait trois ovations caractéristiques : – à Rochefort3 au cri de vive la Commune ! Au maréchal de Mac Mahon au cri de : – vive l’armée ! – À Paul de Cassagnac4 au cri de : vive l’Empire ! – C’est le cas de constater que les absents volontaires ont tort. – Mais à quoi bon vous rabâcher toutes ces nouvelles que vous savez déjà par les journaux ?

Ce n’est pas pour elles que j’ai pris la plume. C’est, uniquement, pour vous dire que nous avons M. Jardry et moi, passés une excellente matinée avec Olivier de Serres5 et que nous nous permettons çà et là, quelques petites retouches de style, à la condition, sine qua non, que vous relisiez scrupuleusement les épreuves avant que nous donnions le bon à tirer. Je vous signale, particulièrement, cette phrase, dans la Saint-Barthélemy : « qu’importaient Charles de Mayenne et la valeur de ses armées sur les flottes de Grèce et de Syrie ». Je crois que la grammaire veut : « qu’importaient de Charles de Mayenne et de la valeur de ». Tranchez la question, en nous envoyant votre péroraison Saint Louis et Blanche de Castille. – Ne mettrez vous pas au volume quelques lignes de préface ? Cela ferait très bien. – Qu’est-ce donc que ce La Bouillerie qui figure dans la

Saint-Barthélemy angevine ? Qu’a-t-il de commun avec ceux dont le regretté d’Origny, beau-père d’un Rougé, assurait que le grand-père était aubergiste à Sablé ?

Mille tendresses

Al[bert]

*Lettre publiée par Gérald Gobbi, Alfred de Falloux et Albert de Rességuier,une amitié dans le siècle. Correspondance 1879-1886, Paris, Société des Écrivains, 2013.

 

 

 

1Clemenceau Georges Eugène Benjamin (1841-1929), médecin, journaliste et homme d’État. Issu d'une famille de « bleus » vendéens, il se fit élire à paris en 1871 mais démissionna dés le 27 mars 1871. Élu en Vendée en 1876, il fut constamment réélu dans ce département jusqu'en 1885 date à laquelle il fut élu dans le Var puis réélu en 1889 siégeant continuellement avec l'Union républicaine. Sénateur du var de 1902 à 1920, il fut aussi ministre de l'Intérieur du 14 mars au 19 octobre 1906, puis Président du Conseil du 25 octobre 1906 au 20 juillet 1909 et du 16 novembre 1917 au 18 janvier 1920.

Le 30 mars 1885, Clemenceau, hostile à la politique d’expansion coloniale de Ferry, pro,o,ce un réquisitoire implacable contre l'expédition du Tonkin, provoquant de fait la démission du cabinet Ferry.

2Freycinet Charles Louis de Saulces de (1828-1923), ingénieur et homme politique. Polytechnicien, il devint chef de l'exploitation de la Compagnie des chemins de fer du Midi. Collaborateur de Gambetta dans le gouvernement de la Défense nationale en 1870-1871, il entra au Sénat en 1876 où il siégea avec la gauche républicaine. Le 14 décembre 1877, il entra dans le ministère Dufaure-Waddington où il occupa le portefeuille des Travaux publics.

3Rochefort-Lucay Henri de, dit Henri Rochefort (1830-1913), journaliste et homme politique. Surnommé le « prince des polémistes, il fut le fondateur de La lanterne, cofondateur de La Marseillaise et collaborateur de plusieurs autres feuilles. Élu dans la Ière circonscription de la Seine le 22 novembre 1869, réélu aux élections de février 1871, il participa activement à la Commune. Déporté en Nouvelle-Calédonie, d'où il s'évada en 1874, il rentra en France suite à la loi d'amnistie de 1880, le 12 juillet 1880. Élu d'extrême-gauche aux élections générales de 1885, il s'opposa aux républicains opportunistes avant de basculer dans le boulangisme.

4Cassagnac, Paul-Adolphe-Marie de Granier de (1808-1880), écrivain, historien et homme politique français. Partisan de la dynastie d’Orléans sous la monarchie de Juillet. Bonapartiste extrême sous la Seconde République, il applaudit au coup d’état et soutint Napoléon III par son activité littéraire. Il fut membre du Corps législatif. Il avait fondé, en 1849, le quotidien Le Pays, devenu l'organe du parti bonapartiste.

5Falloux y a consacré un long article dans l’un des volumes de ses Discours et Mélanges, Paros, Perrin, 1885.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «31 mars 1885*», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1885,mis à jour le : 08/08/2023