CECI n'est pas EXECUTE Décembre 1880

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Décembre 1880

Charles Conestabile à Alfred de Falloux

 

Décembre 1880

Un illustre philosophe monsieur Auguste Conti l'auteur d'un livre magnifique sur L'harmonie des choses, qui soutient le spiritualisme catholique à l'Institut des études supérieures de Florence, malgré les persécutions de ses collègues matérialistes les antipathies gouvernementales me disait il y a quelques jours : "Si on disait non licet je m'inclinerai car devant les décrets de l'autorité religieuse, je suis comme un enfant devant son maître ; mais lorsqu'on me dit non expedit, c'est-à-dire, il n'est pas opportun de travailler à l'amélioration de nos lois et de nos écoles, je me demande si vraiment à Rome on est juge de l'opportunité politique, lorsque l'histoire des dernières années démontre qu'on a jamais su saisir au Vatican les opportunités les plus favorables." Tant que ce jugement durera, on ne pourra rien faire car les autorités ecclésiastiques ne seconderaient aucun mouvement, et il faut se borner à travailler sur le terrain des élections municipales, bien que les quelques avantages obtenus sur ce terrain là soit à la merci du gouvernement qui peut effacer d'un trait de plume ce qui a été obtenu si péniblement. Je m'aperçois que l'intérêt que je porte aux affaires de mon pays m’entraîne sur un sujet qui demanderait de longs développements. Je prends la liberté de vous adresser l'extrait d'un travail paru dans la Ressegna Nazionale de Florence du mois d'octobre, où j'ai tâché de montrer que notre œuvre sur le terrain municipal deviendrai stérile, si on ne prenait point place à la fin sur le terrain politique. J'ai dû user de la plus grande prudence et d'une réserve qui pourra paraître excessive car autrement j'aurais été fulminé par la plupart de nos journaux catholiques. Mais il est à notre sujet fort douloureux dont on ne peut parler, si l'on est bon catholique sans frémir de douleur, c'est l'audace de ceux qui s'efforcent chaque jour et chaque instant d'exercer une pression sur le Saint Siège, en faisant jouer le spectre de la diminution du denier de Saint-Pierre. Les partisans de l'ancienne politique le disent hautement et clairement avec un cynisme révoltant. Longtemps j'ai fermé les yeux pour ne pas voir mais aujourd'hui l'évidence est écrasante, et comme cette pression a surtout pour but de maintenir dans un état de violence les rapports entre le Saint Siège et le gouvernement italien, il est clair que les discours du Pape à ce sujet perdent une grande partie de leur autorité, bien que pour ma part je repousse avec horreur l'idée que cette première pression puisse réellement obtenir des résultats importants. il y a là un danger qui avec le temps doit faire réfléchir. Je n'en ai jamais écrit à personne mais votre bienveillance presque paternelle pour moi m'a dicté cette confidence. N'y a-t-il point quelque espérance de vous voir à Rome cet hiver? Pour ma part j'espère pouvoir aller en France, et je n'aurais pas manqué de me rendre à l'invitation charmante que vous aviez bien voulu me faire, car il me tarde beaucoup de pouvoir causer à cœur ouvert avec vous de tant de questions sur lesquelles j'aimerais à recevoir les appréciations de votre haute expérience et de votre lumineuse perspicacité.Veuillez agréer, Monsieur le comte, l'hommage de mon respectueux et affectueux dévouement.

Charles Constabile


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Décembre 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 23/10/2023