CECI n'est pas EXECUTE 1er Octobre 1881

1881 |

1er Octobre 1881

Charles de Lacombe à Alfred de Falloux

Charbonnier par Saint-Germain-Lembron Puy-de-Dôme, 1er octobre 1881

Cher ami, je veux tout de suite vous dire que je ne viens pas vous parler du présent; il est trop triste, et n’y pouvant rien je n'ai malheureusement pas de conseils à vous demander. Je ne veux en savoir mais cela bien vivement et bien sincèrement que ce qui vous touche, et si je me ferai scrupule de vous prier de m'écrire uniquement pour me donner de vos nouvelles je suis heureux du moins de vous offrir une occasion de m'en envoyer. Cette occasion, c'est ce grand travail dont je serai sans doute longtemps, très longtemps occupé, et qui a, tout cet été, rempli à peu près exclusivement mes heures d'études. Plus je vais dans cette vie de Monsieur Berryer, plus j'apprends, plus j'entrevois de choses à éclaircir. Et tout d'abord n'avez-vous pas retrouvé cet ouvrage sur la période de 1848-1852 dont il parle souvent dans ses lettres et qu'il m'avait tant recommandé de vous demander? De 1846 à 1848 pouvez-vous me dire quelle était l'organisation du parti, la composition du comité, la nature de ses rapports avec le comte de Chambord? À cette date de 1846, Monsieur Berryer avait l'intention de quitter la chambre. Il y paraissait décidé au mois de juin; sans voir quels arrangements furent prix pour le déterminer à rester? Que fit vis-à-vis de lui M. de Genoude1 à la chambre? N'avez-vous pas un jour admonesté sévèrement ce dernier? En fût-il question dans les journaux? En 1848 n'offre-t-on pas à Monsieur Berryer une place dans le gouvernement provisoire? Qui lui fit cette ouverture? Et qu'elle était la veille et lors de l'événement de février, la disposition de Monsieur Berryer? Je ne parle pas du lendemain; ses lettres sont partout un cri d'union sur le terrain social ; à partir de 1848, quelle fut l'organisation du parti? N'y eut-il pas un comité des 12 jusqu'en 1851? Comment et par qui avoir des renseignements précis sur les négociations relatives à la fusion, et les responsabilités de chacun dans cette affaire où les torts, souvent partagés, furent aussi ce semble tantôt plus marqués d'un côté tantôt plus marqués de l'autre? Enfin que se passera-t-il à cette fameuse réunion d'Augerville de 56 ou 57? Je sens qu'il vous serait difficile d'y répondre complètement dans une lettre ; pourtant si vous pouviez, de temps en temps, dicter quelques notes sur ces différents points, vous jugez quelle importance elles auraient pour moi. De 1840 à 1146 le duc de Noailles a joué un rôle considérable ; je reconnais son écriture en marge du brouillon d'une circulaire électorale de 1842, sur laquelle monsieur Berryer a lui-même écrit beaucoup de notes; en 1843, la Gazette l'attaque comme président du comité, qui s'est associé contre elle à Monsieur Berryer. Il pourrait donc me donner des renseignements bien utiles; mais croyez-vous qu'il soit assez dispos d'esprit pour que je puisse lui en écrire? Je ne vois guère d'autres personnes qui pourraient m'instruire sur cette époque. Monsieur de Larcy2 m'a paru se rappeler peu de choses. Savez vous dans quelle proportion, au vrai, l'exil vient au secours des embarras contractés, par

Monsieur Berryer pour le service de la royauté?

Adieu, cher ami, les questions ne finiraient pas et il faut bien que j'y mette un terme si vous venez à Paris en novembre pour les élections académiques peut-être vous y verrai-je? Je ne prévois pas cependant que j'y séjourne beaucoup. Je vous renouvelle mes tendres et dévoués souvenirs.
Ch de Lacombe

1Antoine Eugène Genoude dit l’abbé Genoude, puis de Genoude par lettres patentes de Louis XVIII (1792-1849), séminariste et professeur de droit, il sera élu député de Haute-Garonne. Ultraroyaliste, il deviendra le chef des légitimistes exaltés. Fort de sa fortune, il avait acheté le journal La Gazette.

2Larcy, Charles Paulin Roger Saubert de, baron (1805-1882), homme politique. Entré dans la magistrature en 1826, il démissionna après la chute de Charles X pour se lancer dans la vie politique. Conseiller général d’Alès, il fut élu député (collège de Montpellier) de 1839 jusqu’à sa démission le 29 janvier 1844, date à laquelle il fut déclaré « flétri » comme plusieurs députés légitimistes ayant été faire acte d’allégeance auprès du comte de Chambord. Réélu quelques semaines plus tard, il fut battu en 1846. Élu à la Constituante (Gard) et à la Législative (Gard), il soutint Louis Napoléon Bonaparte lors de l’élection à la présidence. Emprisonné quelques heures lors du coup d’État du 2 décembre, il démissionna de son poste de conseiller général d’Alès et se consacra à des études historico-politiques. Candidat à plusieurs reprises au Corps Législatif (1864, 1868 comme « catholique libéral » et 1869), il fut régulièrement battu. Élu le 8 février à l’Assemblée nationale (Gard), il entra peu après dans le gouvernement de Thiers comme ministre des Travaux publics. Il quitta le gouvernement le 30 novembre 1872 et rejoignit ses amis légitimistes de la réunion des Réservoirs. Il retrouva son poste de ministre des Travaux publics dans le gouvernement du duc de Broglie du 26 novembre 1873 au 21 mai 1874. Il vota contre les lois constitutionnelles de 1875. Le 4 décembre 1877, il fut élu sénateur inamovible. De 1867 à 1876, il collabora au Correspondant, pour lequel il écrivit des articles sur la Révolution et la Restauration.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1er Octobre 1881», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1881,mis à jour le : 06/11/2023