CECI n'est pas EXECUTE 19 décembre 1853

Année 1853 |

19 décembre 1853

Alfred de Falloux à Victor de Persigny

19 décembre 1853,

Cher ami,

J'ai vu que les journaux m'avaient trompé pour le 2 décembre et cela me donne le temps de revenir à la charge pour le 1er janvier mais joignant quelques mots d'explication que ma précipitation m'aurait fait supprimer l'autre jour. D'abord je dois vous dire, et j’y tiens, que je suis tout à fait endetté de cœur vis-à-vis de Monsieur Gros1, depuis cet automne où j'ai fait une chute de voiture très périlleuse sous ses yeux et il m'a donné des témoignages d'affection si sensibles que je me suis bien promis de saisir la première occasion de lui montrer de la reconnaissance.

Je sais, non parce qu'il me l'a dit, mais par tout l'ordre des idées et des sentiments que je lui connais qu'il ne désire rien tant au monde que la croix! Voilà donc le premier mobile de mon insistance près de vous, ensuite j'y vois un moyen de le récompenser de son excellente administration ici et de vous le laisser sans qu'il ait à en souffrir. Je sais aussi que cette faveur annonçant toujours une pensée bienveillante de pouvoir est escomptée par l'ambition des parents,

dès qu'il s'agit de mariage, et son défaut de fortune me fait attacher beaucoup de prix pour lui à cette pensée.

Enfin, cher ami, je vous prie de croire que je n'ai pas l'étrange prétention de vous appeler pour acquitter une dette de reconnaissance avec une si haute monnaie et que si M. Gros n'était pas à tous les titres en situation de recevoir cette faveur, je n'aurais pas songé à la solliciter. Je crois que vous me connaissez assez pour que je vous fasse cette ouverture en toute confiance, du reste si le préfet est consulté par vous je ne doute pas que sa réponse ne soit très flatteuse pour Monsieur gros, mais je vous prierai en tout cas de ne me nommer en aucune façon, outre que je ne peux guère convenablement m'immiscer dans ces sortes d'affaires, je souhaite aussi très vivement que le bonheur de Monsieur Gros soit complet, et pour cela il aura besoin de croire qu'il est récompensé pour l'appréciation qui est faite de lui en haut lieu et non par une simple initiative. Je suis même certain que l'idée d'une sollicitation le blesserait et comme il n'aura pas été le premier qu'une distinction semblable et été spontanément trouvé, c'est cela que je demande pour lui et non une quelconque dans sa gratitude, la mienne est assez sincère pour jouir de l'incognito. J'ai toujours trouvé en d'autres occasions que le plaisir d'obliger était assez vif pour se suffire à lui-même et ce n'est pas vous qui me démentirez.

Je ne m'excuse pas, cher ami, de causer avec vous aussi à l’aise qu’il y a 10 ans je me promets au contraire de reprendre ces causeries avec vous et votre chère femme ce printemps. Je ferai ma petite apparition de 15 jours à Paris. Mon travail sur nos trois dernières années parlementaires avance lentement mais persévénement. Le papier me manque. Je vous embrasse.

A. De Falloux

 

1Gros, Louis (1814-?) avocat. Entré dans le corps préfectoral, il est nommé sous-préfet de Segré du 3 septembre 1849 au 31 octobre 1854. Sous-préfet de Saintes en 1856, puis du Havre en 1858, il donnera sa démissin le 12 février 1867.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «19 décembre 1853», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1853,mis à jour le : 14/12/2023