CECI n'est pas EXECUTE 6 août 1853

Année 1853 |

6 août 1853

Alfred de Falloux à Victor de Persigny

Jeudi 6 Août 1853

Cher ami,

On m'avait dit que madame de Persigny1 ne quittait pas la campagne. Etant absolument là pour mon dîner d'aujourd'hui, j'aurais voulu du moins connaître votre femme et lui présenter moi-même mes excuses. J'éprouve donc une déception d'autant plus vive que je vais jusqu'au milieu de la semaine prochaine passer mon temps aux environs de Paris, et ne pourrais me dédommager ni près d'elle ni près de vous. Aussitôt que je serai de retour cependant je vous écrirai un mot, car je regretterais beaucoup de rentrer dans ma retraite sans vous avoir embrassé.

Quant au préfet de Rennes2, veuillez prendre note que je ne vous en aurai certainement porté aucune plainte personnelle mais si vous voulez la vérité la voici très froide et très vraie. L'effet avancé par le Journal de Rennes sont rigoureusement exactes. Je m'étais refusé à y croire, et c'est après une information très précise que j'ai été convaincu malgré moi. La première visite des gendarmes a été faite à 10h 1/2 du soir; ils ont parlé à la concierge de mon discours et de l'ordre de s'assurer de ma personne. La seconde a été faite le lendemain par mon sergent de ville, l'un montait chez M. de Serė3 votre ancien collègue et le plus inoffensif des hommes, l'autre demeurant dans la rue en travers de la porte. Le préfet a été conduit au démenti du tout par la possibilité de l'expliquer devant toutes les opinions à Rennes, qui se sont prononcées avec une grande vivacité. Le ridicule s’y joint lorsqu'il a fait expliquer sur le journal de la préfecture que c'était la façon ordinaire d'accueillir les hommes importants, il est du reste impossible de représenter l'autorité dans des conditions qui la feront moins respecter. Tel a été le témoignage qui m'a été rendu consciencieusement car je ne le connais pour mon compte, pas même de vue, et ne puis vous donner l'ombre d'une impression qui me soit propre.

Quant à la publicité donnée par le Journal de Paris, j'y suis absolument étranger et l’eusse empêché si cela eut dépendu de moi. Elle a eu un effet sur lequel je vois que vous ne vous méprenez pas et que je suis obligé de vous confirmer en toute franchise, c'est de faire attribuer le fait à des instructions supérieures mal interprétées, il est vrai, dans la circonstance, mais générale et permanente. Il n’est personne qui ne m'ait écrit ou parlé dans ce sens sur ce sujet. Vous avez donc vous-même, cher ami, à y réfléchir, sans que je me permette de faire autre chose que de vous répondre la simple vérité sur le fait local et sur l'impression politique. Ce sera du moins vidé quand nous nous reverrons et j'aurai grand plaisir à vous parler d'autre chose, cher ami.

À vous

Al de Fx

 

 

1Eglé Albine Maria Napoléone, duchesse de Persigny, née Ney de la Moskowa (1832-1890). Petite fille du Maréchal Ney, elle avait épousé le duc de Persigny en 1852.

2Combe-Sieyès, Emmanuel Jean Joseph Georges (1808-1855), préfet de Rennes de 1852 à 1855.

3Seré, Henri Marie de (1808-1878), propriétaire et homme politique. Élu député d'Ille-et-Vilaine à l'Assemblée législative de 1849, il siégea avec la droite monarchiste. Ancien secrétaire de Falloux, il était rentré définitivement dans la vie privée après le coup d'état du 2 décembre. Il était rédacteur du Journal de Rennes, un journal sur lequel Falloux conservait une influence certaine.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «6 août 1853», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1853,mis à jour le : 14/12/2023